l'Etude des normes de la Vérité se trouve-t-elle dans le fondement commun de l'Histoire, la Religion et la Société? L'Empreinte... - qu'est-ce que l'empreinte? Quelqu'un d'autre, exprimant une pensée assez proche, avait employé un synonyme: «Qui laisse une trace, laisse une plaie.» Et voilà ce qui tire l'oeil! Rédha Malek, né le 21 décembre 1931 à Batna, licencié en lettres (philosophie), militant nationaliste algérien accompli, est rompu de très longue date à l'information et à la politique. Diplomate chevronné, négociateur subtil dans les affaires nationales algériennes, notamment pendant la guerre d'Algérie contre le colonialisme, il est l'auteur de plusieurs ouvrages qui font autorité dans le vaste domaine de l'histoire de la lutte de Libération nationale et, tout spécialement, dans son évolution avant et après l'indépendance; je cite, à titre d'exemples: Tradition et Révolution, L'Algérie à Evian, Guerre de libération et révolution démocratique. Une conscience de Vérité Dans le présent ouvrage, L'Empreinte des jours (*), Rédha Malek nous met sous les yeux un fort volume de lectures bien denses en réflexions vertueuses sur une période de vie politique et culturelle (2004-2012). Il y développe, ainsi qu'il l'annonce dans son «Avant-propos»: «Trois thèmes majeurs: la religion, le pouvoir ainsi que le principe éthique lequel, en s'intriquant dans les deux premiers, révèle du coup, son importance cardinale.» Effectivement, Rédha Malek, s'inscrivant dans la démarche de l'histologiste, étudie en somme les tissus des trois thèmes évoqués et dont les fibres, en quelque sorte, «se croisent et se recroisent entre elles», - ce qui, à l'évidence, ne facilite pas la recherche de solutions possibles. La période étudiée et soumise à notre attention par l'auteur a été bel et bien vécue par lui. Et il nous prévient: «Ces pages ne constituent pas un discours compact, à caractère systématique, plaisant pour des thèses savamment arrangées.» Il entend nous présenter des «pensées détachées», et c'est à nous lecteurs d'en faire l'usage le plus approprié à notre conviction, à notre sentiment, et en définitive à nos émotions. Car des émotions, il y en a dans cet ouvrage, mine de rien, «tissé» pour faire émerger ici et là inlassablement, une litote pour adoucir une pensée parfois très critique, à raison. Nous entrons et sortons d'une année à l'autre (de 2004 à 2012) comme dans une suite de galeries où sont accrochées des peintures vivantes de plusieurs vies d'êtres animés et inanimés. Tout est répertorié, enchevêtré, lié, délié, daté, développé en quelques lignes, en un paragraphe, en plusieurs pages. Ainsi, sommes-nous entrés dès le 14 juin 2004 dans un développement à propos de l'Islâm. Prenant prétexte «d'un livre de Rachid Benzine: Les nouveaux penseurs de l'Islam», Rédha Malek précise sa pensée «Le problème aujourd'hui, n'est pas de produire des penseurs pieux, avides de défendre l'Islam en mettant en relief ses valeurs humanistes, civilisationnelles, universalistes etc., mais d'accéder à une pensée qui se pense elle-même, une pensée qui évolue dans sa sphère propre, une pensée autonome qui pense dans le radical et qui travaille dans le fondamental». Bien évidemment, pour lui, «Il n'est pas question de substituer une doctrine complète au Coran, mais de laisser à l'esprit humain la latitude d'interpréter le monde et de proposer des solutions de fond aux problèmes de l'existence et de la vie sociale». Noble idée humaniste que l'auteur relie à celle des penseurs d'Occident, croyants ou non et des savants arabes en général musulmans ou non. L'Homme qui pense Une autre idée évidente est abordée et elle incite à la réflexion: «Il est essentiel de comprendre dans quel monde nous vivons. Les guerres éclatent parfois par erreur. La clarté de la pensée contribue à la paix. Les erreurs conceptuelles ont un coût très lourd.» La réponse est simple, et terrible: «L'Europe domine activement puis passivement depuis cinq ans.» Je dis «Terrible», car le constat, s'arrêter au seul constat, l'homme d'aujourd'hui se prive de réflexe, reste muet, et sans doute parce que impuissant. Le dicton «Hoût ya'koul hoût, le gros poisson mange le petit poisson» est une vérité de Dame Nature... L'année 2005, commence le 3 janvier avec «J.P. Sartre: l'intellectuel est un homme qui pense et qui, à toute occasion, dit ce qu'il pense». Voilà une réflexion philosophique qui ne rate pas son homme. Rédha Malek nous rappelle qu'il est «philosophe» sans doute aussi. Il soutient, et nous avec lui, cette idée existentielle «une vie qui se termine en queue de poisson: perspective insupportable». Il s'en amuse, en douce, et nous avec lui: «L'écriture qui implique des lecteurs virtuels reste le meilleur confident. Sinon la réflexion tombe au rang d'une rumination pratique.» Il en va de même - mais plus gravement - si l'on évoque avec émotion le «Cas de ces Juifs confrontés au mal absolu de la Shoah et qui, privés de secours et s'avouant abandonnés d'un Dieu indifférent, en viennent à perdre la foi de leurs ancêtres. Le problème n'est pas de s'attendre au miracle d'une intervention divine pour les sortir de la souffrance sans espoir de l'extermination, mais justement de venir en s'agrippant à la foi en Dieu. La grâce - que je traduis simplement par Rahma qui est plus que la clémence ou la miséricorde - c'est ce qui vient de Dieu et qui donne à la foi son énergie tenace et sa profondeur. La déréliction extrême, son remède c'est cette grâce par laquelle la transcendance manifeste sa présence et son efficacité. Toute autre preuve de son existence ou de sa voie de son intervention directe dans l'histoire relève de la foi du charbonnier ou des sortilèges de la magie.» En somme, la croyance n'est pas un vain mot ni même une attitude inerte... Rédha Malek écrit: «Il est important d'insister sur le lien dialectique du soi et de l'autre. [...] L'on a vu tout au long de la «décennie noire» les «belles âmes» de l'Islam - Ulama et leurs proches - se voiler la face comme si elles n'étaient pas concernées au premier chef. Même attitude chez des «laïcs» complexés et passablement populistes.» Nous sommes en pleine pensée humaine, où «s'intriquent» naturellement Histoire, Religion et Société. À cet effet, l'écriture et le fond de L'Empreinte des jours de Rédha Malek sont également inspirés par cette logique à la fois complexe et, en vérité, toute simple. Mercredi prochain, nous lirons davantage de réflexions extraites de cet impeccable ouvrage de conscience et de modestie L'Empreinte des jours de Rédha Malek. (*) L'Empreinte des jours de Rédha Malek, Casbah Editions, Alger, 2013, 485 pages.