On croit que les mots ont un sens, ils en ont un de toute façon et sa valeur est celle de celui qui l'écrit ou le prononce. A ce sujet, l'intitulé Guerre de libération et Révolution démocratique, écrits d'hier et d'aujourd'hui (*) du livre de Rédha Malek est une esquisse pédagogique importante pour la compréhension des événements de l'histoire de la guerre d'Algérie. Rédha Malek, je dirais en militant convaincu de sa foi patriotique et seigneur riche de sa longue expérience politique, tente, par le concret, de remettre à l'endroit tous ces mots qui, autant qu'ils nous seraient devenus familiers depuis fort longtemps et qu'ils feraient encore de l'effet sur nous, ne nous rassureraient sur rien que nous ne savions déjà. À tous ces mots importants, vitaux, spécialement pour notre nation en reconstruction, nous y croyons, et certes différemment. Il est bon que quelqu'un, comme Rédha Malek, nous les remette en mémoire et avec leur contexte historique afin que nous puissions comprendre leur valeur produite au cours de la longue réflexion nationaliste d'avant le 1er Novembre 1954 et dynamisée au cours de la lutte de libération nationale. L'idée n'a pas toujours pour fruit l'évidence de l'action. Souvent, il y a donc dans les mots une grande légèreté qui se glisse entre l'esprit et la lettre. Qu'est-ce qu' «Une Révolution démocratique»? Qu'est-ce qu'«Une guerre d'indépendance»? Qu'est-ce qu'«Une Révolution démocratique populaire»?...Une volonté critique de Rédha Malek parcourt sereinement le vaste travail accompli là dans ce livre de 758 pages comportant une indispensable préface, un corpus judicieusement chapitré traitant de thèmes alléchants (Révolution; Rétrospectives; Information; Terrorisme; Démocratie; Islam; Diplomatie; Profils; Annexes (Contre les affrontements fratricides [de l'été 1962]; Contre la torture [à la suite de ´´l'explosion´´ du 5 octobre 1988]; Contre Sant' Egidio; Déclaration fondatrice de l'ANR; Déclaration de Rédha Malek annonçant son retrait de l'ANR)... Avant d'aller plus loin, et pour mieux conscientiser, si j'ose dire, la jeune génération algérienne actuelle, il me semble indispensable de reproduire des éléments biographiques suffisants, extraits de la page 4 du livre qui nous intéresse ici: «Né à Batna, le 21 décembre 1931 [dans deux mois, joyeux anniversaire!], Rédha Malek est licencié ès lettres (philosophie), après des études supérieures à Alger et Paris. Membre fondateur de l'Union générale des étudiants musulmans algériens en 1955, il devient directeur d'El Moudjahid, organe central du FLN, de 1957 à 1962. Il est porte-parole et membre de la délégation algérienne aux négociations d'Evian et l'un des rédacteurs du Programme de Tripoli (1962). Après l'indépendance, il est ambassadeur dans plusieurs pays et a négocié la libération des cinquante-deux otages de l'ambassade américaine à Téhéran en 19801981. En 1976, il a participé à la rédaction de la Charte nationale. En 1977, il est ministre de l'Information et de la Culture. Retiré de la vie politique en 1984, il est envoyé spécial aux Etats-Unis en février 1992 par le Président Boudiaf. Il devient membre du Haut Comité d'Etat, ministre des Affaires étrangères puis Chef du Gouvernement jusqu'en 1994. De 1995 à 2009, il est président de l'Alliance nationale républicaine (ANR). Rédha Malek est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Tradition et Révolution et L'Algérie à Evian.» Le livre Guerre de libération et Révolution démocratique de Rédha Malek s'ouvre avec cette épigraphe Algeria fara da se (L'Algérie se fera d'elle-même) que l'auteur attribue à Jean Amrouche. L'Italia farà da sè est l'excellent mot d'ordre lancé par le roi de Sardaigne, Charles-Albert, pour repousser l'offre d'alliance intéressée de Lamartine, lors même de la guerre nationale de 1948 où l'unité italienne était en voie de formation. Ce fameux cri des patriotes italiens est souvent repris par les peuples en lutte pour l'indépendance de leur pays. Cette «lutte pour la reconnaissance», formule inspirée par Hegel et largement actualisée par le penseur contemporain Francis Fukuyama, correspond parfaitement aux thèmes débattus par Rédha Malek dans les textes qu'il nous propose dans son présent ouvrage. Au reste, il écrit dans sa préface: «Les textes qui vont suivre auront peut-être valeur de remémoration autant que de mise en perspective.» C'est «cette idée centrale» qui va parcourir tout le corps du livre et donner souffle et explication à «un rêve réaliste tout au long d'un demi-siècle d'action militante. Certains de ces textes remontent aux années cinquante et couvrent la guerre de libération, tandis que d'autres traversent la postindépendance pour déboucher sur l'actualité la plus récente.» Une gageure? Sans doute! Mais le plaisir de lire, d'apprendre et de réapprendre, est assuré aux lecteurs grâce à une générosité et une conviction d'auteur militant. On pourrait poser des questions auxquelles, on n'avait pas eu de réponse claire...Ici, Rédha Malek semble dispos comme un professeur qui maîtrise son sujet et agit en pédagogue averti; il a l'expérience de la rude communication qui a le devoir de dire vrai, qui s'appuie sur des exemples concrets, qui a une ambition d'esprit que n'ont pas les mystificateurs. Et bien sûr, fort en diplomatie, Rédha Malek est fort en thème. Posons-nous des questions, à telle page du livre, la réponse y est déjà; et c'est à peine si vous avez l'audace fine pour la discuter. Et cela va pour: La personnalité algérienne; Une Révolution démocratique; La conscience révolutionnaire algérienne; La Révolution arabe; Le mouvement national de 1920 à 1962; L'information en question - Objectivité et Révolution; Charte pour la paix et la réconciliation nationale; La chance de la démocratie; Sur la démocratie et l'islam politique; Refondation des relations algéro-françaises; Mohamed Boudiaf: de la Résistance à l'ouverture démocratique,... En conclusion, après ce profond constat (amer aussi?), on observe que «la réalité des faits est restée sans changement». L'ouvrage Guerre de libération et Révolution démocratique de Rédha Malek constitue alors un geste d'invite citoyen à réfléchir sérieusement sur l'urgence à produire les remèdes légaux (scientifiques, culturels, politiques,...) capables de remettre le pays dans le sens de la juste marche tracée par l'Appel du 1er Novembre 1954 et de favoriser l'évolution des aspirations à vivre dans le plein respect des droits de l'homme où qu'il se trouve. (*) Guerre de libération et Révolution démocratique (Ecrits d'hier et d'aujourd'hui) de Rédha Malek, Casbah Editions, Alger, 2010, 758 pages.