Quarante morts durant un week-end particulièrement meurtrier. Samedi et dimanche ont été particulièrement sanglants en Irak où une quarantaine de personnes parmi lesquelles des Irakiens et des étrangers (notamment deux Polonais et un civil américain) et près d'une centaine de blessés ont marqué le week-end pendant lequel le sang a de nouveau coulé à flot en Irak. Sadr City, Koufa, où la trêve ne semble pas être respectée, sont toujours en première ligne, fournissant le plus grand lot de morts et de blessés. Outre la résistance locale, cette recrudescence de la violence est généralement attribuée à des éléments faisant partie de la «section» irakienne d'Al Qaïda. De fait, dans un communiqué parvenu aux agences de presse et attribué au groupe d'Abou Moussab Al Zakaoui - l'homme le plus recherché en Irak, lié au réseau d'Al-Qaîda - revendique l'un des derniers attentats à la voiture piégée devant la base américaine de Taji, près de Bagdad, occasionnant la mort de six Irakiens et des blessures pour 68 autres. En fait, plus le 30 juin approche, échéance lors de laquelle la coalition doit en principe transférer la souveraineté au gouvernement intérimaire irakien, plus la violence redouble de férocité laissant sur le terrain des dizaines de morts. C'est sur fond de ces circonstances à tout le moins tragiques que se déroulent au Conseil de sécurité les tractations sur le futur de l'Irak. C'est, en fait, la présence des forces étrangères dans ce pays, après le transfert de pouvoir aux Irakiens, qui fait l'objet d'âpres discussions au Conseil de sécurité de l'ONU où Américains et Britanniques ont dû déposer (hier) une quatrième mouture de leur projet de résolution sur l'Irak. Les négociations butaient essentiellement sur la réalité des pouvoirs qui seront octroyés aux Irakiens par l'Autorité provisoire de la coalition, CPA, Moscou, Paris et Pékin, insistant pour que les Irakiens aient leur mot à dire sur la conduite future des affaires de leur pays. Aussi, le statut des forces d'occupation américano-britanniques et des forces multinationales, actuellement présentes en Irak, soulève-t-il maintes interrogations. Toutefois les différentes parties semblaient être parvenues hier à un compromis. Consensus devenu incontournable après les déclarations au Conseil de sécurité du ministre des Affaires étrangères, Hoshayr Zebari, insistant sur le maintien des forces internationales et l'échange de lettres entre le Premier ministre du gouvernement provisoire irakien, Iyad Allaoui, et le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell. Le premier insiste sur le fait qu'une «large marge de manoeuvre» doit être laissée à la force multinationale, «jusqu'à ce que, indique-t-il, nous soyons capables d'assurer notre propre sécurité, y compris la défense du territoire de l'Irak, de son espace maritime et aérien, nous demandons le soutien du Conseil de sécurité et de la communauté internationale». Dans sa lettre, le chef de la diplomatie américaine s'engage à coopérer avec les Irakiens «sur toute l'étendue des questions fondamentales en matière de politique et de sécurité, y compris les décisions concernant les opérations sensibles». Quoique veillant à ce que les intérêts de l'Irak soit sauvegardés, les trois membres permanents du Conseil de sécurité, (Chine, France et Russie, qui mènent l'offensive) au vu de la position adoptée par le gouvernement intérimaire irakien, sur la question de la présence militaire internationale, ont accepté un compromis, qui pourrait se traduire par un vote du projet de résolution sur l'Irak dès aujourd'hui. Ainsi, selon l'ambassadeur algérien à l'ONU, Abdallah Baali, seul représentant arabe au Conseil de sécurité : «Il n'y a plus de réel obstacle», indiquant : «Nous sommes proches d'un consensus.» Ce que confirme la conseillère présidentielle américaine, Condoleezza Rice, qui affirmait hier : «Nous sommes d'accord sur la majorité des points principaux». Il convient toutefois de relativiser les choses et de relever qu'une fois encore le sort de l'Irak se jouera en dehors du vouloir des Irakiens, le gouvernement intérimaire ne semblant pas représentatif ni faire l'unanimité en Irak. Ainsi, selon le porte-parole du Comité des musulmans d'Irak, cheikh Mohamed Bachar Al-Faydi, qui s'attend à une vague de violence : «(...) d'importants actes de violence seront commis durant les prochains mois, car la formation du nouveau gouvernement n'a pas satisfait un grand nombre d'Irakiens et de membres de la résistance», affirmant : «Le but de la résistance est le départ de toutes les forces d'occupation et la tenue d'élections, mais la situation actuelle est décevante et ne répond pas à ces attentes.» Ce qui semble refléter le sentiment général en Irak.