Une soixantaine de morts et des dizaines de blessés, lors des dernières quarante-huit heures. L'Irak plonge dans l'horreur. L'accouchement au forceps du gouvernement irakien du Premier ministre chiite désigné, Ibrahim Jaâfari, semble avoir donné de nouvelles motivations à l'opposition armée irakienne qui a redoublé de férocité depuis l'annonce de la constitution du cabinet Jaâfari, frappant au coeur de Bagdad et dans la région kurde. La journée du dimanche a été, en ce sens, particulièrement sanglante avec l'attentat suicide à la voiture piégée contre le siège à Tall Afar (Nord de Bagdad) du parti démocratique du Kurdistan (PDK de Massoud Barzani) faisant 25 morts et une cinquantaine de blessés. Dans la même journée, des attentats ont été commis à Bagdad et à Samara (au sud de la capitale) qui se sont soldés par la mort de 24 personnes et des blessures pour une quarantaine d'autres. Hier, quatre nouveaux attentats ont ciblé Bagdad laissant sur le terrain neuf morts, selon un premier bilan. De fait, selon des statistiques rendues publiques hier par le ministère irakien de l'Intérieur, le mois d'avril a été particulièrement sanglant comparativement au mois précédent. Selon ces chiffres, 567 Irakiens sont morts et 668 autres ont été blessés en avril contre 383 tués et 494 blessés pendant le mois de mars. Ces victimes, ajoute le ministère de l'Intérieur, ont péri dans 34 attentats à la voiture piégée, 16 explosions de bombes artisanales et 54 attaques armées à travers le pays. Mais l'attentat le plus meurtrier de ces dernières semaines a été commis dans la soirée de dimanche à Tall Afar, au moment où de nombreuses personnes assistaient aux funérailles de Taleb Sayyed Wahba, un responsable du PDK à Mossoul et vice-gouverneur de la province de Ninive, lorsque un kamikaze à bord d'une voiture piégée a fait exploser son véhicule devant l'immeuble abritant la permanence du PDK. Le bilan est très lourd avec la mort de 25 personnes et plus de 50 blessés. Le vice-gouverneur de Ninive a été lui-même abattu samedi à Mossoul par des inconnus. L'attaque contre la permanence du PDK à Tall Afar s'est, par ailleurs, prolongée par une véritable bataille entre des assaillants et les forces de police, selon un témoin qui indique: «Des hommes armés ont ensuite barré la route aux ambulances qui sont arrivées pour évacuer les victimes et il y a eu des combats avec des éléments de la police et de l'armée». Lors de cette même journée de dimanche plusieurs attentats à la voiture piégée ont été enregistrés faisant au total une vingtaine de morts en sus des 25 victimes de l'attentat de Tall Afar. La même offensive de l'opposition armée s'est poursuivie hier notamment par des attentats dans plusieurs quartiers de Bagdad où neuf morts ont été recensés. Selon des sources policières irakiennes, il y a eu hier autant d'attentats que lors de la journée de samedi où une demi-douzaine d'attaques ont été comptabilisées alors que la journée de dimanche se distinguait par douze attentats à la voiture piégée. Cette escalade de la violence, qui replace l'Irak dans les pics sanglants qu'il a connus au cours du printemps et de l'été de l'an dernier, survient au moment où, enfin, le Premier ministre désigné, Ibrahim Jaâfari, réussit à réunir le consensus lui permettant de former et d'annoncer un gouvernement, dont sept portefeuilles restent encore à pourvoir, entre autres, les postes stratégiques de la Défense, promis à un sunnite, et celui du Pétrole. Les luttes de leadership ponctuées par d'âpres négociations ont marqué la formation d'un gouvernement dominé, sinon écrasé, par le poids des deux vainqueurs du scrutin du 30 janvier, les chiites de l'Alliance irakienne unie (AIU) et les Kurdes de l'alliance des partis kurdes PDK-UPK, ne laissant aux autres partis et partenaires politiques que des miettes. Ce qui n'augure pas des suites d'un cabinet qui aura la lourde tâche de mettre en place les futures institutions permanentes du pays. Sur un autre plan, il a été enregistré, dimanche, un nouvel enlèvement, celui d'un homme d'affaires australien, Douglas Wood. Ses ravisseurs, comme pour les autres personnes enlevées, réclament le départ des forces de la coalition, donnant ainsi à l'Australie un ultimatum à l'issue duquel Canberra doit retirer le contingent militaire australien stationné en Irak. Ce nouveau rapt d'un étranger survient alors que l'on est toujours sans nouvelles des trois journalistes roumains enlevés le 28 mars, comme il n'y aucune information concernant les cas de la journaliste française, Florence Aubenas, et de son guide irakien, Hussein Hanoun Al Saadi, disparus depuis 118 jours à Bagdad. La recrudescence de la violence, les prises d'otages répétées, la mise au point des institutions sont autant de défis qui attendent le gouvernement Jaâfari qui, décidément, entame son mandat dans des conditions particulièrement négatives.