L'Irak est à feu et à sang. Que fait la Ligue arabe? Elle se donne du temps et envisage d'organiser dans les prochains jours une rencontre consacrée à ce pays... en marge de la réunion à Jeddah de l'OCI (Organisation de la coopération islamique). Est-ce étonnant que ces messieurs de la Ligue arabe prennent leur temps pour examiner ce qui est une question de vie ou de mort pour le peuple irakien? En fait, ladite organisation «panarabe» est habituée à prendre le train en marche, soit, c'est plus coutumier de la part des dirigeants arabes de laisser passer l'orage pour ne pas avoir à se prononcer et à agir. Mais pas que ça dès lors que la Ligue arabe, allant à l'encontre de sa raison d'être, a enfourché l'antienne des puissants qui ne sont pas pour rien dans la déstabilisation du Moyen-Orient et du Maghreb. Comment sinon comprendre l'éviction de la Syrie - un des fondateurs de la Ligue arabe - de son siège, attribué à la coalition rebelle manipulée par les monarchies du Golfe et par l'Occident. Une coalition rebelle qui s'est alliée aux jihadistes islamistes du Front Al-Nosra et au dangereux groupe de l'Etat islamique en Irak et au Levant (Eiil) qui, désormais, menace d'éclatement l'ensemble du Moyen-Orient. La Ligue arabe a-t-elle de quoi être fière de ce résultat préjudiciable à la cohésion et à l'unité du Monde arabe? Mais, face aux tergiversations des dirigeants arabes on vient à douter de leur discernement des événements qui marquent le Monde arabe depuis plus de trois ans et s'ils en sont seulement conscients? Le doute est permis en vérité au regard de ce qui se passe en Libye et en Syrie, notamment où la Ligue arabe a soutenu politiquement et diplomatiquement ledit «Printemps arabe» qui a ouvert la voie à toutes les dérives et menace aujourd'hui de dislocation cette région. En fait, les dirigeants arabes ou ce qui en tient lieu ont été incapables d'anticiper les événements et de prendre des décisions qu'il fallait pour sauvegarder ce qui pouvait encore l'être. Cela n'a pas été fait. Bien au contraire, la Ligue arabe, version Nabil al-Arabi, semble avoir pris fait et cause pour les bouleversements géopolitiques qui secouent ledit Monde arabe depuis plus de trois années. La Ligue arabe sous la pression du Qatar et de l'Arabie Saoudite avait soutenu en 2011 des frappes de l'Otan contre la Libye. En 2013, elle alla jusqu'à réclamer le même scénario contre la Syrie... Dans une allocution prononcée samedi dernier lors de la session consacrée à l'Irak, le secrétaire général de la Ligue, Nabil al-Arabi, a précisément indiqué à propos de la Syrie que la situation dans ce pays est devenue «très complexe». A quoi cela est-il dû? Comment ledit «Monde arabe» en est arrivé à cet abandon collectif? Alors que l'urgence est signalée en Irak, la Ligue arabe se donne du temps de voir venir, au moment où les dirigeants arabes démissionnaires de leurs missions envers les citoyens arabes se reposent sur les puissances étrangères, singulièrement les Etats-Unis, pour trouver des solutions et issues aux crises multiformes qui frappent leurs pays respectifs. Or, les Etats-Unis, outre d'être à l'origine des situations de crise que vit le Moyen-Orient, travaillent depuis des années à morceler cette région en Etats confessionnels et ethniques. Ce qui est d'ailleurs en voie de se réaliser en Irak - le Kurdistan irakien est quasiment un Etat indépendant avec toutes les institutions afférentes à cette qualité - en Syrie les groupes jihadistes de l'Eiil - le même qui embrase l'Irak depuis quelques jours - occupe une grande partie de la province pétrolière syrienne de Deir Ezzor. Dès lors, on se demande si la Ligue arabe n'aide pas «à l'aveuglette?» au démantèlement du «Monde arabe»? D'autant plus que d'autres interrogations surgissent en filigrane: de quelle représentativité dispose en fait la Ligue arabe au regard des situations prévalant en Tunisie, Libye, Egypte, Syrie et Irak - alors que des pays comme la Somalie, le Yémen, le Soudan, la Palestine - ont d'autres préoccupations pour réellement s'investir à donner du Monde arabe une image autre que dévalorisante qui est la sienne. L'Occident, appuyé par des analystes, estime que le Monde arabe n'a le choix qu'entre la peste et le choléra: c'est-à-dire entre un pouvoir conservateur rétrograde mâtiné d'islamisme et/ou la dictature, sinon soumis au joug de ce même Occident. Il n'existerait donc pas pour le Monde arabe d'autres alternatives ou de juste milieu qui laisserait une place à des forces politiques autres que conservatrice, dictatoriale ou colonisatrice? C'est l'impression que donne en particulier une Ligue arabe passée depuis l'avènement dudit «Printemps arabe» sous la férule de l'Occident. Peut-on avoir l'idée farfelue de comparer la Ligue arabe à l'Union européenne? Certes non!