Il a fait cette année la montée des marches à Cannes où il accompagnait la sortie du film Caricaturistes, les fantassins de la démocratie de Stéphanie Valloatto. Il figure parmi les célèbres caricaturistes auquel ce documentaire a consacré un portrait. Slim, de son vrai nom Menouar Merabtène est né le 15 décembre 1945 dans l'ouest de l'Algérie... Auteur de nombreux albums de BD distribués en Algérie et en France, Slim continue à nous faire rêver avec ses personnages uniques, Bouzid et Zina qui ont fait bercer des générations. Slim collabore avec de nombreux journaux et magazines internationaux et participe également à des missions pour la FAO (Food and Agriculture Organization) en Egypte et en Tchécoslovaquie. En 2009, lors de la 2e édition du Festival international de la bande dessinée d'Alger (Fibda), un hommage officiel lui a été rendu, reconnaissant son oeuvre et sa contribution au patrimoine culturel de l'Algérie. Wolinski dira de lui, d'ailleurs, un jour: «Si vous voulez connaître l'Algérie, lisez les albums de Slim». Slim collabore aujourd'hui avec Le Soir d'Algérie, avec une planche hebdomadaire. C'est avec sourire et affabilité que notre bédéiste légendaire enchaînera les entretiens avec les journalistes internationaux. Place à l'Algérie... L'Expression: Vous vous retrouvez dans un documentaire qui s'appelle «Caricaturistes, les fantassins de la démocratie. Ça fait quoi? Un film qui d'ailleurs englobe 12 caricaturistes du monde entier, dont vous... Slim: Que voulez-vous que je vous dise. C'était sur insistance de Jean Plantu, un ami qui m'a demandé absolument de participer à ce film et donc j'ai fini par céder. J'étais habitué à voir Plantu avec Dilem, mais ce dernier ne pouvait pas y faire partie ou ne voulait pas, je ne sais pas... Racontez-nous un peu votre expérience. J'ai demandé à ce que cela soit brièvement fait car je n'aime pas trop m'étaler sur moi-même et les intrusions dans ma vie privée, à part quelques gens. Il y a eu déjà des films sur vous dont un réalisé pendant le Fibda par Dynamic Art Vision... Un autre film a été réalisé, il y a longtemps. Il a été fait sur moi en 1986 en fait et quand il a été fait, on avait refusé de le faire passer à la télé de l'époque. Il y avait un type qui avait un nom à coucher dehors, je ne m'en souviens plus comment, qui était directeur de l'info qui m'a dit: «Pas de pub!», O.K,, moi je n'ai jamais cherché à faire ça. C'est Ahmed Benkamla qui avait réalisé le film. Il a fallu attendre les émeutes de 1988 pour que ce film passe à la télé et tenez-vous bien! le sempiternel journal télé qui était sacré en Algérie, qui faisait passer à 20h Boumediene ou Chadli eh bien, mon documentaire passe et il y a le journal qui arrive... Je pensais qu'on allait faire arrêter le film, eh bien non! On a dû mordre 11 mn sur le journal et je suis allé jusqu'au bout avant le journal TV! Mais ça c'était en 1988. Et cela n'existera plus. C'est fini. Maintenant, il n'y a rien à voir, circulez. Trois ou quatre types qui veulent se réunir et ils sont mal vus... Que pensez-vous du titre du documentaire. Pensez-vous que l'humour dans un dessin ou la caricature évalue le degré de la démocratie d'un pays? Peut-être. Disons que les choses évoluent. Nous sommes passés par une chappe de plomb où l'on ne pouvait rien dire. Maintenant, on peut dire tellement de choses que les gens peuvent insulter à tout-va. On a ouvert des brèches effectivement. Pendant 30 ans, personne n'était derrière moi. J'étais tout seul. Vous, Dilem, le Hic, etc pensez-vous que vous avez un rôle à jouer pour faire avancer réellement la démocratie en Algérie, en avez-vous conscience vraiment? Sans doute, quelque part bien sûr. Je me suis rendu compte aujourd'hui que le pouvoir a plus peur des réseaux sociaux que des dessinateurs qui sont dans la presse quotidienne. Nous travaillons dans des journaux qui n'ont pas une très grande audience et même si c'est le cas, on n'est pas comme les journaux arabes qui tirent beaucoup d'exemplaires. Les lecteurs arabophones m'échappent. Zina et Bouzid n'ont de cesse de nous étonner en traversant aisément le temps.. Oui, ça continue, actuellement il y a une BD où Bouzid a voulu devenir président et tout le monde a voté pour lui sauf qu'il n'a pas été élu. C'est apparu dans Le Soir d'Algérie où je travaille. Cette BD a été faite exprès autour des élections et maintenant que les élections sont passées, mon personnage est déçu et veut quitter l'Algérie. Il veut devenir un harag. Ça me permet, à moi de poursuivre cette aventure et d'en créer de nouvelles, celle d'un Bouzid qui prend la barque et va vers l'Espagne. L'aventure continue. Bouzid évolue en tout cas avec l'air du temps.. J'ai toujours travaillé en fonction du réel que je vis. Je ne fais pas une histoire avec une fin et je la vends. Je fais une histoire qui se poursuit pendant que les gens la lisent. Car je suis à l'écoute des gens, de ce qu'ils pensent, ce qu'ils veulent. Ce qu'ils demandent. Et la femme Zina dans tout ça? Zina est une héroïne aussi. Elle est d'ailleurs plus intelligente que Bouzid si vous l'avez remarquée. C'est une matière grise. Bouzid c'est le physique, le bâton, et Zina, elle, participe dans le mouvement et c'est un genre de «Barakat».. Quels sont parmi les autres caricaturistes qui vous ont le plus touché parmi ce groupe dans le film? J'ai beaucoup aimé les dessins du Russe Zlatkovsky. Il est très marrant. Dommage qu'il y a le blocage de la langue, on n'arrive pas à communiquer, déjà qu'en anglais c'est délicat. En tant que professionnel de la BD et du dessin de presse, quel regard portez-vous ou avez-vous porté sur la polémique provoquée par Charlie Hebdo autour des dessins du Prophète? J'étais contre. Et je l'ai même dit aux gens de Charlie Hebdo qui sont mes amis. Je leur ai dit que c'était une connerie.. Donc où se situe la liberté d'expression dans tout ça à votre avis? Il y a des sujets qui sont tabous, je suis désolé... On ne peut pas dire à un type qui croit en quelque chose que tu es un salopard. Il faut respecter les gens. Je n'irai jamais par exemple faire comme Dilem qui a dessiné Jésus-Christ sur une croix. C'est son truc. Il aime déranger. Moi je suis respectueux. Je n'attaque pas le président, ou je le traite de Atika ou je ne sais quoi. C'est n'importe quoi. Dilem a peut- être du succès auprès des jeunes avec cela, mais ce n'est ma tasse de thé. Je ne suis pas un caricaturiste, mais un artiste qui a créé des personnages qui ont 50 ans et qui ont bercé des générations. Et j'ai fait, moi, avec mes personnages des choses que ni le cinéma algérien ni la télé ou le théâtre n'ont fait. Mes personnages s'embrassent sur des bancs publics. Des personnages qui ont des coeurs, ils boivent de la bière et du lben et qui sont libres et heureux. C'est cette Algérie que j'aime, moi. Je n'aime pas l'Algérie de maintenant qui ressemble à l'Irak avec tout le monde en voile, des attentats de temps en temps, des querelles. Ce n'est pas de cette Algérie que je veux, moi j'ai rêvé d'autre chose. C'est une déception.. Que faire, je me suicide?