Que signifie le retour de l'ex-FIS sur la scène politique nationale? Une réhabilitation, une réconciliation ou une recomposition du pôle islamiste algérien. Si l'ex-n°1 du parti dissous Abassi Madani, âgé, fatigué et exilé à Doha au Qatar n'est pas associé à cette initiative politique conduite par l'ex-chef de l'AIS, Madani Mezrag, Ali Benhadj, le trublion n°2 de l'ex-FIS reste toujours en embuscade pour un retour gagnant «légal» en politique. Curieusement, les anciens du FIS qui étaient interdits de créer ou même d'adhérer dans d'autres formations politiques comme ce fut le cas pour le mouvement Wafa de Ahmed Taleb Ibrahimi en 1999, il devient du jour au lendemain, «fréquentable», voire «politiquement correct». Fini la «black-list», ils sont même autorisés à fouler aussi bien le gazon du palais d'El Mouradia, que la moquette de l'hôtel Mazafran pour participer à un rassemblement légal de l'opposition. Cette situation intervient au moment où tous les mouvements islamistes dans le Monde arabe et surtout en Afrique du Nord sont défaits. Le mouvement des Frères musulmans en Egypte est interdit, le mouvement Ennahda en Tunisie est dépassé et même le parti islamiste marocain, Parti de la justice et du développement est menacé. Ce retour du parti dissous intervient aussi au moment où pour la première fois depuis 1995, le pôle islamiste n'a pas présenté un candidat pour la présidentielle du 17 avril 2014. La débâcle aux législatives de 2012, le recul lors de la présidentielle de 2014 n'indiquaient, à aucun moment, un retour presque gagnant de l'ex-FIS au-devant de la scène politique. Mieux encore, ce ne sont pas les islamistes qui le remettent sur le devant de la scène et à la table du dialogue, mais bien ses ennemis d'hier, les leaders politiques qui étaient le plus radicalement opposés à son retour sur la scène politique et médiatique. Saïd Sadi et le RCD, les deux principales machines anti-islamistes entre 1989 et 2014 et Ahmed Ouyahia, l'ancien patron du RND et artisan de la lutte implacable contre le terrorisme et fervent opposant à un retour du mouvement de Abassi Madani en politique. Mais en politique rien n'est impossible, surtout quand la politique de Réconciliation nationale fait son effet sur la mémoire et l'Histoire. Deux images fortes ont donné des indices sérieux sur le retour imminent de l'ex-parti dissous sur la scène politique nationale. L'image symbole du Rassembleur pour la démocratie, Saïd Sadi, qui s'asseoit aux côtés du représentant officiel de l'ex-FIS Ali Djeddi et qui lui a même fait une accolade, lors du rassemblement de l'opposition pour la transition démocratique. Et l'image de l'ancien chef de l'AIS, Madani Mezrag qui est reçu, tel un chef de parti par Ahmed Ouyahia, le ministre d'Etat et directeur de cabinet du président Bouteflika. Pour associer les faits aux actes, Ali Djeddi, considéré comme un proche de l'ancien président du parti dissous, Abassi Madani, affiche ses ambitions dans un entretien à La Nouvelle République. L'ancien cadre de la direction du FIS dissous affirme ainsi que le parti reprendra du service sous une autre dénomination et subira un «relooking extrême» en matière de programme et d'objectifs. D'après Ali Djeddi, ce nouveau parti n'oeuvrera pas à l'instauration d'un Etat théocratique, mais plutôt travaillera pour un Etat de droit et un monde de liberté. Ali Djeddi ne le cache pas d'ailleurs. Comme le parti islamiste a utilisé la démocratie pour arriver au «pouvoir» en 1990, il va utiliser la Coordination pour arriver à ses fins politiques en 2014. Pour lui «la Coordination des partis de l'opposition reste le moyen le plus important et le plus à même de promouvoir l'Etat de droit, et de garantir ce faisant le statut des droits et des libertés des citoyens algériens». Comme de nombreux ex-dirigeants du FIS dissous, Ali Djeddi s'est intelligemment réinséré dans la vie politique. Comme de nombreux leaders islamistes de l'ex-parti dissous, il s'est démarqué de la politique et s'est converti dans les affaires et le commerce «halal». Même si le Premier ministre Sellal avait écarté le retour du parti dissous à la vie politique, l'arrivée imminente de l'ex-FIS (qui se rapproche plus du courant salafiste proche des wahhabistes d'Arabie Saoudite), intervient enfin au moment où une guerre acharnée entre les chiites et les sunnites fait rage en Irak et en Syrie.