Les soldats irakiens se retirent de l'Ouest face aux jihadistes lourdement armés Les insurgés sunnites consolident leurs positions dans l'Ouest irakien frontalier de la Syrie, au moment où le secrétaire d'Etat américain John Kerry arrive au Moyen-Orient pour des consultations sur la crise irakienne. Washington entend pousser les chefs d'Etat de la région à user de leur influence sur le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki pour le convaincre de former rapidement un gouvernement d'union nationale, l'Irak étant, depuis les élections législatives d'avril, sans cabinet. Sur le terrain, les insurgés sunnites emmenés par les jihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) se sont emparés de trois villes de la province occidentale d'Al-Anbar - Al-Qaïm, Rawa et Aana -, l'armée affirmant hier qu'elle s'en était retirée pour des raisons «tactiques» de «redéploiement». Selon des témoins pourtant, les insurgés se sont emparés dès samedi d'Al-Qaïm et de son poste-frontière avec la Syrie. Ces villes sont situées près de l'autoroute reliant la Syrie à la province irakienne d'Al-Anbar, où les insurgés s'étaient déjà emparés en janvier de Fallouja, à 60 km à l'ouest de Baghdad, et de secteurs de Ramadi, le chef-lieu de la province. Depuis le début de leur offensive le 9 juin, les insurgés ont mis la main sur Mossoul, deuxième ville du pays, une grande partie de sa province Ninive (nord), de Tikrit et d'autres secteurs des provinces de Salaheddine (nord), Diyala (est) et Kirkouk (nord), et avancent désormais à l'ouest, où la prise du poste-frontière d'Al-Qaïm représente un succès important. Il n'existe que deux autres points de passage officiels sur les 600 km de la poreuse frontière entre l'Irak et la Syrie; l'un contrôlé par l'armée et l'autre par les forces kurdes. Une grande partie du reste de la frontières échappe au contrôle des forces gouvernementales, irakiennes comme syriennes. Les jihadistes de l'EIIL, qui ambitionnent de créer un Etat islamique dans une zone située à cheval entre les deux pays, sont également engagés dans la guerre Syrie. Après la débandade des troupes irakiennes aux premiers jours de l'offensive jihadiste, ces dernières tentent de reprendre du territoire aux insurgés. Ainsi hier matin, la télévision d'Etat irakienne a affirmé qu'une frappe aérienne visant un groupe d'insurgés à Tikrit (nord) avait tué 40 d'entre eux, tandis que des témoins ont expliqué que sept personnes avaient péri dans cette attaque contre une station-service du centre-ville. Ces témoins n'ont pas précisé si les victimes étaient ou non des combattants. A l'est de Tikrit, des combattants ont affronté les forces de sécurité, secondé par des tribus pro-gouvernementaux, et tué un conseiller du gouverneur provincial. Parallèlement aux efforts militaires, les chefs religieux chiites d'Irak ont appelé les citoyens à prendre les armes pour contrer l'avancée de l'EIIL, qui a proclamé son intention de marcher sur Baghdad et les villes saintes chiites de Kerbala et Najaf, au sud de la capitale. Sur le plan diplomatique, John Kerry était attendu hier à Amman pour discuter avec son homologue jordanien Nasser Joudeh des «défis que pose la sécurité au Moyen-Orient», selon la diplomatie américaine, première étape d'une mission ultra-délicate, voire impossible, au chevet de l'Irak. Sur son chemin, il a fait un arrêt surprise au Caire. Lors de cette tournée en Moyen-Orient puis en Europe (Bruxelles et Paris), «nous allons presser les pays de la région qui ont des relations diplomatique avec l'Irak de prendre cette menace aussi sérieusement que nous», a déclaré un responsable du secrétariat d'Etat. «Puis nous allons souligner la nécessité pour les dirigeants irakiens d'accélérer la formation d'un gouvernement et de se rassembler dans un cabinet» qui inclura tout le monde. S'exprimant sous le couvert de l'anonymat ce responsable a ajouté qu' «une grande partie des financements qui, depuis longtemps, nourrissent l'extrémisme en Irak, viennent de pays voisins».