Un signe politique très fort Le maréchal Abdel Fattah Al Sissi qui a été élu président de la République arabe d'Egypte, le 8 juin 2014, a décidé de réserver sa première sortie à l'étranger à l'Algérie. L'information a fait le tour de plusieurs médias algériens et étrangers. On annonce la visite aujourd'hui du nouvel homme fort de l'Egypte. Le nouveau chef de l'Etat égyptien aura donc des entretiens avec son homologue algérien, Abdelaziz Bouteflika, sur des sujets brûlants de l'actualité internationale. Depuis son installation officielle à la tête de l'Egypte, le président Al Sissi avait rencontré, le 21 juin, un seul chef d'Etat, le roi Abdallah d'Arabie Saoudite en escale à l'aéroport du Caire. Sa visite en Algérie est donc un signe politique très fort venant de la grande soeur, l'Egypte, avec qui l'Algérie a connu plusieurs «halakate». Depuis l'arrivée au pouvoir de ce Nassérien accompli, issu des célèbres moukhabarate égyptiens, élu récemment, l'Egypte n'a pas cessé d'envoyer des messages politiques pour rapprocher les deux pays suite aux turbulences qui avaient marqué les relations des deux pays au lendemain de la crise survenue après les incidents du Caire, en novembre 2009, lorsque l'Equipe nationale algérienne de football avait été agressée et que les médias égyptiens avaient insulté nos martyrs. Le 7 janvier dernier déjà, Al Sissi avait envoyé son ministre des Affaires étrangères, Nabil Fahmy, pour rassurer l'Algérie de sa bonne foi et l'importance de son geste: la destitution du président islamiste Mohamed Morsi. Et rappeler que les Egyptiens avaient fait le même choix que l'Algérie en 1992, en arrêtant le processus électoral et en stoppant la montée du parti islamiste algérien à l'époque. De nombreux médias égyptiens et même des observateurs étrangers avaient fait le parallèle entre l'action algérienne en 1992 et l'action égyptienne en 2012. Quand des médias égyptiens ont tenté de lui faire dire des propos hostiles à l'Algérie, le président Al Sissi est intervenu à la télévision égyptienne pour rappeler les liens très étroits qui lient l'Algérie à l'Egypte. L'Egypte qui passe par une situation économique catastrophique depuis la crise née de la révolution arabe a besoin de l'Algérie pour se relever et maintenir le cap de son développement. Et dans ce sens, l'Algérie est le partenaire idéal. D'abord, sur le plan économique, l'Algérie a toujours soutenu l'Egypte en alimentant le pays en gaz et cela malgré les tensions qui perturbent parfois les deux pays. Elle a besoin également du soutien financier de l'Algérie pour surmonter la crise aiguë qui perturbe son pays depuis l'explosion de la révolution arabe en 2011. Sur le plan sécuritaire, l'Algérie a également avec l'Egypte des intérêts communs, des atomes crochus. Contrairement à Hosni Moubarak qui s'est longuement rapproché des Américains pour se maintenir au pouvoir, l'ex-maréchal Al Sissi qui a été élu à 96% des suffrages après le coup d'Etat du 3 juillet 2013 contre Mohamed Morsi (soutenu par les Frères musulmans), s'est rapproché des Russes, le même allié stratégique des Algériens. La visite d'Al Sissi à Moscou avant son élection a été la confirmation de son nouveau alignement à l'Est. Mais à l'heure actuelle, l'Egypte et l'Algérie ont surtout un ennemi commun: le terrorisme international. Les deux pays se sont visiblement entendu pour renforcer leur coopération dans la lutte contre le terrorisme et le renforcement de la défense aux frontières. Le Caire et Alger ont dans ce sens un souci majeur: la situation aux frontières de la Libye. Cette crise sécuritaire dans cette région et dans le Sahel va renforcer les relations entre les deux pays. On évoque même un faible d'Al Sissi pour le général libyen Haftar, le militaire qui avait osé contrer les islamistes au pouvoir en Libye. La visite de Abdel Fattah Al Sissi a comme objectif de coordonner les efforts des deux plus grands pays du Monde arabe pour faire face à la menace terroriste internationale, surtout avec l'apparition d'une menace sérieuse, la première armée salafiste, l'EIIL, qui a installé le chaos en Syrie et en Irak. Sur le plan diplomatique, l'Egypte qui a assuré le soutien financier et politique de l'Arabie Saoudite et du Koweït, cherche un soutien de taille dans «sa région natale» d'Afrique du Nord. Le nouveau président égyptien a besoin de l'Algérie et tout particulièrement du président Bouteflika pour améliorer son image auprès de certains pays arabes, notamment le Qatar avec qui l'Egypte s'est violemment brouillée, mais aussi avec certains gouvernements occidentaux qui n'apprécient pas nécessairement les méthodes anti-islamistes égyptiennes. L'Algérie, qui a échappé au projet du «Grand Moyen-Orient» et qui n'a pas été touchée par les printemps démocratiques est devenue cette citadelle inexpugnable du Monde arabe. L'homme fort de l'Egypte compte donc sur l'Algérie pour faire sa propre révolution démocratique pour renforcer la Ligue arabe (dont le siège est en Egypte) et cela pour la faire sortir de la crise dans laquelle elle a plongé le Monde arabe depuis 3 ans.