Le personnage, pour anachronique qu'il soit, s'emploie à avoir une place dans un monde qui ne fait que rejeter des hommes de son espèce. Accusé d'avoir commandité l'assassinat de l'émir Abdellah d'Arabie Saou-dite, le leader libyen revient au-devant de la scène sous son véritable jour. Après ses tentatives de charme en direction des Occidentaux, à travers la livraison des deux Libyens accusés d'être derrière l'attentat de Lokerbie et l'abandon de son programme d'armes de destruction massive, Maâmar El Gueddafi pensait sans doute avoir réellement acheté une nouvelle virginité en dédommageant les familles des centaines de victimes civiles que son régime a assassinées. Mais son passé très récent le rattrape et la découverte de cette tentative de liquidation physique d'un chef d'Etat remet certaines pendules à l'heure et rappelle, si besoin est, la nature quasi-schizophrénique du personnage qui a déjà habitué son entourage à des sorties, pour le moins, déroutantes, notamment pour leur caractère burlesque et souvent anachronique. L'homme, dont le pays a subi un bombardement US en bonne et due forme, est accusé d'avoir planifié une multitude d'attentats. Les bombes, qui ont fait exploser l'avion de la TWA, sous le ciel de Lokerbie, et le DC 10, au-dessus de la Méditerranée, ont été achetées par ce personnage qui se distingue également par les troubles qu'il a fomentés au nord du Tchad et des sautes d'humeur régulières contre les émigrants tunisiens et égyptiens qu'il ne se gène pas de reconduire cycliquement aux frontières. En termes de liquidation physique, on retient contre lui, l'assassinat de son ministre des Affaires étrangères, Ahmed Khikha et le leader chiite libanais Moussa Sadr. Ce dirigeant arabe, qui a pactisé avec l'administration Bush et fait échoué tout un Sommet de la Ligue arabe, en usant de son style plus que risible, est une véritable catastrophe pour le Maghreb. En effet, il souffle le chaud et le froid sur l'UMA. Tantôt, il assume la légalité internationale sur la question du Sahara occidental, tantôt, il se ligue avec le Maroc pour torpiller le plan Baker et par là même remettre en cause tout le processus de l'édification de l'UMA sur lequel l'Algérie a mis tout le poids de sa diplomatie. L'échec du dernier Sommet de l'organisation maghrébine est, en partie, dû à l'extravagance du dirigeant libyen. Et comble de malheur pour la région, c'est qu'El Gueddafi en assure la présidence. En fait, le personnage pour anachronique qu'il soit, s'emploie à avoir une place dans un monde qui ne fait que rejeter des hommes de son espèce. Il croit avoir sauvé son «trône» en fumant une cigarette américaine, mais en termes de relations internationales, ce serait faire montre d'une grande naïveté que de penser que les Occidentaux ont tout pardonné et qu'il suffit de montrer patte blanche pour effacer un lourd passif. En réalité, il est clair que Maâmar El Gueddafi sert des intérêts conjoncturels des puissances du moment, comme l'a fait, durant les années 80, un certain Saddam Hussein. Le parallèle entre ces deux hommes est en effet aisé à établir. Au même titre que Saddam durant «l'âge d'or» de l'Irak, El Gueddafi est actuellement l'instrument des Etats-Unis dans leur stratégie d'entrisme qu'ils effectuent au sein des sociétés arabes, dans le seul but de faire accepter le fait accompli sioniste. Sur ce plan, la Libye joue sa partition à merveille, en bloquant toute initiative allant dans le sens d'une action commune des pays arabes. Mais ce rôle de «chien de garde» des Américains n'est, en fait, que temporaire. Stratégiquement, la Libye est véritablement dans la préhistoire. Et son président existe par la grâce d'une conjoncture qui lui est favorable pour un temps seulement. Sinon, dans les plans des Occidentaux, le régime libyen ne confère aucune garantie de stabilité, ni pour la région ni pour le monde. La promesse de George Bush de faire la lumière sur l'affaire de la tentative d'assassinat du prince Abdellah, renseigne sur les visées des Etats-Unis qui sont très loin d'avoir accordé un chèque en blanc à El Gueddafi. En d'autres termes, le dirigeant libyen est encore sur la liste rouge, même s'il pense en être sorti. Un destin comparable à celui de Saddam n'est pas à exclure pour ce personnage qui, arrivé à la tête de son pays par un coup de force, tente de faire oublier son passé, en se servant de l'expérience du président irakien déchu. La tactique est tellement évidente qu'elle ne trompe personne. Bien au contraire, tout le monde en rit.