«Un sentiment d'insécurité s'installe insidieusement dans notre environnement.» Nous sommes tous sortis effarés, après les communications des officiers de la gendarmerie, devant l'ampleur de la criminalité qui s'est développée en Algérie depuis quelques années, au point de pousser à la création d'un méga-centre pour lutter efficacement contre toutes les formes de crimes qui prospèrent depuis quelques années. Jugez-en : 10 781 affaires d'atteinte aux personnes ont été traitées par la Gendarmerie nationale en 2003, soit un taux d'augmentation de 12% par rapport à 2002 ; 10 410 infractions contre les biens (+21%), 2 042 atteintes aux moeurs (+23%) et 206 atteintes à l'économie nationale (+6%). Cinq constats tout aussi alarmants les uns que les autres ont été tirés de la hausse de la criminalité : la criminalité se développe dans toutes ses formes, en est le premier. Les coups et blessures volontaires dominent dans les relations violentes entre les gens. Les vols représentant 75% des infractions. L'insécurité s'installe de manière insidieuse dans notre environnement. Enfin, les attentats à la pudeur et les viols constituent 51% des atteintes aux moeurs. En matière de délinquance financière, nous avançons à grands pas vers le « boom », avec l'émergence des sociétés fictives, les fausses déclarations d'activité et de siège et la fausse domiciliation bancaire. L'évasion fiscale et les faux documents sont devenus un jeu d'enfant entre les mains des nouveaux fraudeurs, et le recyclage de l'argent sale passe principalement par les stups et la contrebande. L'atteinte à l'économie nationale et la corruption sont deux autres maux qui rongent, de l'intérieur, tout espoir de développement durable. A l'ombre d'un terrorisme qui a focalisé toute l'attention des services de sécurité s'est développé en douceur un banditisme tout aussi insidieux. En 2002, un taux d'augmentation de 95,45% a été enregistré par les services de la gendarmerie, avec encore une augmentation de plus de 58% en 2003, et cet élément nouveau : l'émergence d'une nouvelle forme criminelle : le hold-up et les vols à main armée ciblant tout particulièrement les banques et les recettes des P et T. 96 affaires liées aux associations de malfaiteurs, incriminant 242 personnes ont été traitées entre le 1er janvier et le 31 mai 2004. Dans le même type d'affaires, un taux de plus de 12% a été enregistré en 2003 par rapport à 2002. En matière de contrebande, le taux est alarmant avec près de 35 000 personnes arrêtées dans des affaires liées à cette activité, avec un pic inquiétant d'un taux de 98% d'augmentation en 2003 par rapport à l'année précédente. Pour les cinq premiers mois de 2004, 2050 personnes ont été arrêtées dans des affaires liées à la contrebande, qui continue d'alimenter le marché informel tout en sapant les fondements de l'économie nationale. Pour mettre en échec cette criminalité qui a trouvé en Algérie, et depuis dix ans, un terrain propice à son développement, le conseil des ministres a voté pour le projet de la création d'un Institut de criminalistique et de criminologie, et le président de la République a signé le décret de création. Cet institut, qui aura un directeur à sa tête, tend à donner une visibilité à l'administration et à la justice, tout en assurant la sécurité des biens et des personnes. Le colonel Smaïl Hallab, qui a été à la source du projet, dira : «Pour parer aux méthodes nouvelles de la criminalité, il faut leur opposer des méthodes d'actions nouvelles.» Pour ce faire, «16.000 agents enquêteurs seront opérationnels» ainsi que toute une artillerie d'armes scientifiques pour confondre le criminel : une banque de données scientifiques, une banque de données ADN, un logiciel graphique de la scène du crime ou d'accident pour aider la justice, un système d'identification des suspects, un système biométrique, etc. Cet institut, qui sera opérationnel début 2006, est un projet ambitieux, démesuré, peut-être même à la démesure des fléaux qui menacent d'engloutir le pays.