Les syndicalistes version 2004 se refusent de tomber dans le jeu politicien mais ils font preuve d'un certain populisme. Contrairement à la scène politique, le front social est en perpétuelle ébullition. La montée au créneau synchronisée des syndicats autonomes des secteurs de l'éducation nationale et de la santé publique, au cours de ces derniers jours, inquiète aussi bien les parents d'élèves que les patients, pris en otage, d'une part par l'intransigeance des syndicats et d'autre part par le silence radio affiché par les pouvoirs publics. Avec l'absence quasi totale de l'Ugta de la scène revendicative, la voie est désormais devant les syndicats naissants pour porter les revendications des travailleurs des secteurs de la santé et de l'éducation. C'est le cas du Cnapest, qui, même s'il n'est pas agréé, continue à paralyser le secteur de l'éducation nationale. Cependant, le timing choisi par l'organisation de Meziane Meriane pour relancer le mouvement de grève dans le secteur de l'enseignement secondaire et technique, n'est pas fortuit, puisqu'il intervient à la veille des examens du Baccalauréat. Aussi, les revendications brandies par les syndicats, à savoir un statut particulier pour les enseignants, avec un départ à la retraite après 25 ans de service et l'augmentation des salaires de 100%, vise en premier lieu à décourager, voire à faire du chantage à la tutelle sachant que de telles revendications sont pratiquement irréalisables dans l'immédiat. Pis, le Cnapest qui menace de gonfler les notes des examens du Bac et de retarder les corrections si jamais le ministère de l'Education ne répond pas aux doléances des enseignants, avait, rappelons-le, relevé lors des négociations, l'année dernière avec la tutelle, que seul le dialogue est à même de parvenir au règlement de la crise. Ce mouvement de protestation avait été désamorcé alors que le spectre de l'année blanche commençait à se faire menaçant. Pour sa part Boubekeur Benbouzid, ministre de l'Education nationale s'est dit «étonné» quant à la gravité des déclarations rapportées par la presse et qui faisaient état des menaces du président du Cnapest. «Je reçois régulièrement les représentants des enseignants et des syndicats en voie d'être agréés ...et jusqu'à présent je ne les ai pas entendus tenir pareil discours». Avant d'ajouter que «si ces affirmations s'avéraient justes, ce serait vraiment très grave». Le ministre ne s'est pas arrêté à ce niveau, puisqu'il est allé jusqu'à brandir la menace des sanctions en déclarant que «si les enseignants mettent à exécution leurs menaces, le gouvernement prendra ses responsabilités». Rappelons que l'année dernière, le ministère de l'Education avait commencé à opérer des ponctions sur les salaires des enseignants grévistes et à radier du secteur de l'éducation, les enseignants grévistes pour les remplacer par des licenciés fraîchement sortis des universités. Devant la menace d'entrave des examens de fin d'année, le ministère de l'Education nationale met de nouveau les protestataires devant leurs responsabilités, tout en se tenant disponible au dialogue. En outre, le secteur de la santé, à l'instar de l'éducation nationale, deux secteurs stratégiques par l'importance de leur composante humaine, connaît ces derniers jours un mouvement de grève ayant paralysé un certain nombre de structures de santé publique. Ce qui est d'autant grave, en atteste notre tournée dans certains hôpitaux de la capitale, l'absence d'un service minimum. Ce qui pénalise en premier lieu les patients et leurs parents contraints de se rapprocher des cabinets et cliniques privés. Un «luxe» qui n'est pas accessible à toutes les couches de la société. Un mouvement qui n'a pas manqué de faire sortir de sa réserve le ministre de la Santé et de la Population. Lors d'un point de presse animé dimanche, au niveau de son département ministériel, M. Mourad Redjimi, considère que «ce n'est pas avec la grève qu'on me poussera à faire des concessions». Pour le ministre, la grève des praticiens s'apparente à de la «manipulation». Et de poursuivre : «De gros intérêts sont en jeu et c'est pour cela que le secteur fait l'objet d'une campagne de déstabilisation». A l'instar de son collègue de l'éducation, celui de la santé estime qu'il faut faire la différence entre les revendications qui demandent du temps et celles ayant trait à la hausse des salaires et aux primes.