Un terroriste dans les habits d'un calife Baghdadi s'est exprimé lors d'un prêche vendredi dans le riche cadre de la grande mosquée de Mossoul Le chef de l'Etat islamique (EI), qui a proclamé un califat à cheval sur la Syrie et l'Irak, a réclamé l'allégeance de tous les musulmans, alors que les politiques à Baghdad semblent incapables de faire front commun pour sortir le pays du chaos. Abou Bakr Al-Baghdadi, dont les hommes contrôlent plusieurs régions syriennes et se sont emparés de larges pans du territoire irakien depuis le 9 juin, est apparu samedi dernier pour la première fois dans une vidéo mise en ligne sur Internet, un changement de stratégie pour ce chef jihadiste habitué à agir dans l'ombre. Selon la vidéo qui n'a pu être authentifiée, Baghdadi s'est exprimé lors d'un prêche vendredi dans le riche cadre de la grande mosquée de Mossoul (nord), deuxième ville du pays conquise aux premières heures de l'offensive de l'EI, qui bénéficie du soutien de tribus et d'anciens officiers de l'ex-président sunnite Saddam Hussein. Portant une longue barbe, une abaya et un turban noirs, Bagdhadi, désigné il y a une semaine «calife» par son groupe, soit «chef des musulmans partout» dans le monde, affirme aux fidèles être «le Wali (leader) désigné pour vous diriger». «Obéissez-moi tant que j'obéis à Dieu», martèle-t-il. Cette apparition surprise montre le chemin parcouru par le groupe de Bagdhadi, qui semblait vaincu il y a quelques années en Irak. «Le prêche de Baghdadi n'est pas logique pour ce qui est de la sécurité, mais il l'est tout à fait dans le contexte de sa lutte avec Al-Qaîda pour la direction du jihad au niveau mondial», souligne Will McCants, ancien conseiller en matière d'anti-terrorisme au département d'Etat américain. L'EI a proclamé, il y a une semaine un califat sur les territoires qu'il contrôle, de la ville syrienne d'Alep (nord) à la province irakienne de Diyala (est). Sauver le pays Le califat est un régime politique hérité du temps du prophète Mahomet, qui a disparu avec le démantèlement de l'Empire ottoman dans les années 1920. L'annonce de l'établissement du califat par ces jihadistes, accusés des pires atrocités, a suscité plus d'indignation que de ralliement parmi les groupes islamistes, qui aspirent pourtant à l'édification d'un Etat fondé sur la charia. Mais il risque d'agir comme un aimant pour les plus fanatiques. Pour autant, la classe politique irakienne semble incapable de prendre la mesure du danger et de mettre de côté divergences et ambitions personnelles. Le 1er juillet, la séance inaugurale du Parlement issu du scrutin du 30 avril s'était révélée désastreuse, les députés s'invectivant ou quittant la salle. L'assemblée doit se réunir de nouveau demain pour tenter de se choisir un président, puis élire un président de la République chargé de désigner le prochain Premier ministre. Très contesté, le chef du gouvernement sortant Nouri al-Maliki, au pouvoir depuis 2006, a assuré vendredi qu'il ne renoncerait «jamais» à présenter sa candidature. Pourtant, si son bloc est arrivé en tête des législatives, son autoritarisme et son choix de marginaliser les minorités sunnites et kurdes limitent ses capacités de rassemblement. L'émissaire de l'ONU à Baghdad, Nickolay Mladenov, a prévenu que l'Irak risquait de sombrer dans «un chaos similaire à celui de la Syrie» si la classe politique ne parvenait pas à se rassembler et à «chercher un moyen de sauver le pays». Limogeages La situation est d'autant plus critique que le président du Kurdistan irakien Massoud Barzani a décidé d'organiser un référendum en vue de l'indépendance de cette région autonome, un mouvement critiqué par les Etats-Unis et vivement dénoncé par M.Maliki. Sur le terrain, les forces gouvernementales ne progressent pas, en particulier à Tikrit (nord), ancien bastion de Saddam Hussein où elles ont lancé une contre-offensive il y a huit jours. Alors que les autorités avaient déjà annoncé le 18 juin une série de limogeages parmi les hauts commandants de l'armée, un porte-parole de M.Maliki a indiqué samedi soir que le commandant des forces terrestres Ali Ghaidan, qui avait fui Mossoul au début de l'offensive jihadiste, avait été «mis à la retraite», de même que le chef de la police fédérale Mohsen al-Kaâbi. Outre Mossoul, l'EI s'est emparé d'une grande partie de sa province Ninive, ainsi que de régions dans les provinces de Diyala (est), Salaheddine (nord) et Kirkouk (ouest). Il contrôlait depuis janvier des secteurs d'Al-Anbar (ouest).