De tous les jours fériés du calendrier, celui du 19 Juin ne fait manifestement pas l'unanimité au sein de la société algérienne. Fruit d'un coup d'Etat militaire, cette date rappelle à beaucoup d'Algériens un jour, pas forcément heureux. A commencer d'ailleurs par Ahmed Ben Bella, principale victime du coup de force de son ministre de la Défense, Houari Boumediene. En effet, l'ancien président de la République a, sitôt l'ouverture démocratique acquise, fortement critiqué son renversement, sur un plateau de télévision, devant des millions de téléspectateurs ahuris qu'on puisse affirmer en direct que l'acte de Boumediene avait conduit l'Algérie à l'impasse. Dans le même temps, l'autre historique de la Révolution, Hocine Aït Ahmed, avait déclaré que l'Algérie allait sérieusement entrer dans le pluralisme politique, n'était «le coup d'Etat du 19 Juin 1965» qui a remis les pendules à zéro. Même les personnalités politiques qui n'avaient aucun lien direct avec l'événement, n'ont pas manquer d'en relever le caractère antidémocratique. «Déposer un président élu par le peuple n'est pas une attitude démocratique», relèvent de nombreux hommes politiques. En fait, jusqu'en 1988, le 19 Juin était célébré comme l'action qui a permis «le réajustement révolutionnaire» contre un président «déviationniste». Mais depuis l'ouverture démocratique, l'entrée en scène de personnalités, jadis interdites de parole, a complètement remis en question le discours officiel, de sorte que, contrairement au 1er Novembre et au 5 Juillet, la manière dont Houari Boumediene a accédé au pouvoir, ne fait plus l'unanimité au sein de la société algérienne. 13 ans après l'adoption de la première Constitution pluraliste du pays et 5 ans après la ratification par l'Algérie de l'appel d'Alger de l'OUA qui précisent que la communauté des Etats africains ne reconnaîtrait aucun régime issu d'un coup d'Etat, la journée du 19 Juin continue à être chômée et payée. La seule fois où les plus hautes autorités du pays eurent admis l'inutilité de cette célébration, a été en 1992, sous Boudiaf. Il était question à l'époque, de supprimer purement et simplement cette date du calendrier des fêtes nationales. L'assassinat de Boudiaf, puis la décennie de terrorisme avaient relégué cette question de principe au second plan. Même avec l'arrivée au pouvoir, en 1999, de l'un des plus proches collaborateurs de l'auteur du «réajustement révolutionnaire», Abdelaziz Bouteflika, la question n'a pas été abordée en haut lieu. Cela dit, la «timidité» dont fait montre le pouvoir politique vis-à-vis de cet important événement dans l'histoire de la nation, témoigne de son anachronisme et révèle quelque peu la gêne qui caractérise la classe dirigeante par rapport à un fait qui contredit son discours tant au plan national qu'international. Aussi, sommes-nous tentés de dire que pour des raisons «sentimentales», le pouvoir n'a franchement pas l'intention d'évoquer cette question. Et pour cause, aucun argument ne plaide présentement pour son maintien. Pourtant, en ce jour du 19 Juin 2004, l'Algérie est en fête...