Une vue de Ahl El Ksar «Loin de tout engagement politique ou partisan, il s'agit là d'un devoir de mémoire», dira le chanteur Amirouche, un militant de la liberté. Dans le cadre de la commémoration du cinquantième anniversaire de l'assassinat des 13 martyrs du FFS tombés au champ d'honneur le 17 Juillet 1964 à Hallassa, commune d'Ouled Rached, wilaya de Bouira, un hommage leur a été rendu jeudi 17 juillet 2014. En plus de la traditionnelle gerbe de fleurs, les organisateurs ont donné l'occasion à des survivants d'apporter des témoignages, à savoir Kherroubi Ali, Boukherrouba Si Ali et Khotari Akli qui ont survécu à ce guet-apens meurtrier. Des bougies ont été allumées à la mémoire des victimes, sur la place publique d'Ahl El Ksar où leurs corps carbonisés avaient été jetés en exposition pour servir de représailles, pour mater la rébellion. Pour clore cette journée de commémoration qui avait débuté le matin, un gala a été organisé par le fils du martyr Hamali Mouloud, le célèbre chanteur Amirouche, un militant de la liberté. «Loin de tout engagement politique ou partisan, il s'agit là d'un devoir de mémoire» dira le chanteur avant d'engager son récital dominé par des chansons hommages à toutes les luttes pour la démocratie, la liberté et l'égalité. Pour comprendre pourquoi aujourd'hui leurs progénitures exigent un statut de chahid et de moudjahid, il faut revoir le contexte dans lequel des patriotes algériens ont été poussés à dresser leurs armes contre un pouvoir. Les causes du conflit remontent à 1963. En effet, une année après l'indépendance de l'Algérie, le Front des forces socialistes naissait pour contrer le pouvoir autoritaire du duo Ben Bella-Boumediene. Le 28 septembre 1963, des anciens officiers des wilayas III et IV, des hommes politiques se réunissaient dans les locaux de l'ancienne mairie de Aïn El Hammam (50 km à l'est de Tizi Ouzou). Il y avait, Aït Ahmed, le colonel Mohand Oulhadj, Mourad Oussedik, Ali Yahia Abdenour, Aït Medri Belaïd, le lieutenant Yaha Abdelhafidh, Aboubakr Belkaïd, Ali Ammar (ces deux derniers représentaient le PRS). Des militants anonymes ont aussi participé à cette dernière réunion avant la proclamation officielle, le lendemain à Tizi Ouzou. Le FFS était le premier parti politique fondé sur une base militante, porteur des aspirations de toute une nation et avec une profondeur sociologique de l'Algérie indépendante. Le président de la République Ahmed Ben Bella et son ministre de la Défense Houari Boumediene envoient l'armée en Kabylie dès les premiers jours d'octobre. La confrontation est évitée en raison d'un événement: le Maroc attaque l'Algérie dans la région de Tindouf. Le FFS se mobilise et envoie des militants armés à l'ouest en appui à l'ANP. Le pouvoir exploite l'événement et la sensibilité patriotique du peuple en greffant la crise frontalière sur les vrais problèmes du pays que le FFS avait déjà dénoncés. Cette manoeuvre diabolique permet l'arrestation de Hocine Aït Ahmed le 17 octobre 1964. Il y a eu encore les premières négociations fin octobre 1963 entre Ben Bella et des responsables du FFS. Le régime libère Boudiaf, le colonel Boubnider, le lieutenant Allouache et d'autres prisonniers politiques, arrêtés depuis des mois. Hocine Ait Ahmed avait déclaré le 10 juilet 1963: «J'ai décidé de mener une lutte politique ouverte contre le régime socialo-mystificateur...C'est le seul moyen de désamorcer la situation rendue explosive...et par l'incapacité de l'Assemblée nationale constituante de bloquer le totalitarisme du régime...». Révolté par les pratiques autoritaires du régime, le FFS reprend le chemin du maquis après un mini-congrès. Ben Bella et son ministre de la Défense répliquent. Le président crée une milice populaire qui sera dirigée par le commandant Mahmoud Guennez. La répression fut terrible. Plus de 400 morts du côté du FFS et près de 3000 personnes arrêtées. Des centaines de militants ou sympathisants sont torturés dans les commissariats.