Près de 50 ans après le déclenchement de l'insurrection armée par le leader charismatique du Front des forces socialistes (FFS), Hocine Aït Ahmed, contre le régime du couple Ben Bella-Boumediène, voilà que la question du tandem des victimes de ces événements, longtemps ignorée, remonte à la surface. Les anciens combattants des «maquis du FFS» ainsi que des cadres militants du parti réclament une reconnaissance, plutôt politique, où il est fait place au statut de «martyrs de la démocratie». Le 29 septembre 1963, des dirigeants politiques et militaires de la lutte de Libération nationale, conduits par Hocine Aït Ahmed, proclament à Tizi Ouzou la naissance du Front des forces socialistes (FFS) comme parti d'opposition à la dictature qui commençait à se mettre en place. L'Assemblée nationale constituante (ANC), élue une année auparavant, est ligotée par un groupe mené par le tandem Ben Bella-Boumediène qui affiche ses intentions d'installer l'Algérie nouvellement indépendante sur les voies de la dictature. Dissolution du Parti communiste algérien, arrestation des figures de la lutte de Libération, tel Mohamed Boudiaf... L'ANC, qui a pour légitimité de «construire les fondations constitutionnelles et institutionnelles de l'Etat», a été supplantée par «une autre assemblée d'officiers saupoudrée de cadres civils ‘révolutionnaires' qui élabore et adopte la Loi fondamentale en conclave dans un cinéma». Son président, Ferhat Abbas, jette l'éponge le 12 août 1963 ; suit une cascade de démissions de députés, dont celle de Hocine Aït Ahmed. Ce dernier entre dans une opposition ouverte au régime de Ben Bella. Soutenu par des figures de la Révolution comme Ali Yahia Abdennour, Medri Belaïd, Mourad Oussedik, le colonel Mohand Oulhadj, Yaha Abdelhafidh, Aboubakr Belkaïd et des centaines de maquisards issus essentiellement des Wilayas III et IV historiques, il fonde le premier mouvement d'opposition, exigeant la mise en place d'un régime ouvert. La proclamation du FFS, le 29 septembre 1963, provoque les foudres du régime de Ben Bella qui, sous la poussée de son ministre de la Défense, Houari Boumediène, envoie les troupes de l'armée en Kabylie pour réprimer l'opposition dans le sang. Le régime abat une impitoyable répression. Fort d'un soutien populaire, le FFS organise la riposte et met en place ses propres maquis, avec un commandement militaire appelé «état-major des forces armées combattantes du FFS» en Kabylie et dans la Mitidja. Le conflit prend une tournure violente et dure près de deux ans. Le chef du FFS, Hocine Aït Ahmed, est arrêté en compagnie de son bras droit, Ali Mecili, en octobre 1964. Les maquis du FFS, sous la conduite du colonel Mohand Oulhadj, résistent aux forces de l'ANP. Le bilan est terrible. Plus de 400 morts côté FFS, près de 3000 personnes arrêtées. Des centaines de militants ou sympathisants sont torturés. Hocine Aït Ahmed est déférré devant la Cour de sûreté de l'Etat et est condamné à mort. Face à des tensions au sommet du pouvoir, alors qu'un autre conflit s'ouvre avec le Maroc, le régime de Ben Bella est contraint de mettre un terme au conflit avec le FFS. Après des tractations, les deux parties (pouvoir et FFS) parviennent à un accord de cessez-le feu. Après des négociations, elles scellent un accord, le 15 juin 1965, stipulant entre autres la reconnaissance du FFS comme parti d'opposition. Trois jours après, le colonel Boumediène renverse le président Ben Bella, remettant ainsi en cause les accords passés avec le FFS, annihilant les espoirs démocratiques. Le nouveau régime de Boumediène installe l'Algérie dans une dictature cruelle. Près de cinquante ans après cette guerre contre les militants du FFS, occultée par l'histoire officielle, l'Etat est aujourd'hui interpellé et doit reconnaître les premières victimes de la démocratie.