Contrairement aux trois précédents rassemblements qui ont eu lieu successivement à Tizi Ouzou, Aokas et Akbou, celui initié hier par les non-jeûneurs à Béjaïa n'a même pas eu lieu. Les militants de la liberté de culte, comme ils aiment à se présenter, n'ont même pas eu le temps de sortir leurs petites pancartes que les adhérents de pas moins de 15 associations représen-tant la société civile de Béjaïa sont intervenus pour les chasser manu militari des lieux. Le déjeuner public n'a pas eu lieu à Béjaïa. C'était prévisible. Les démarches entreprises par quelques associations ces deux derniers jours auprès des autorités, indiquait déjà que quelque chose se préparait pour contrecarrer cette manifestation. Dans une ville fortement conservatrice et où l'on savait depuis la nuit des temps que déjeuner en public était un dépassement grave, un sacrilège même, c'était peine perdue pour les militants de la liberté de culte. «Nous ne sommes contre aucune religion, nous voulons tout simplement que la liberté de conscience, un des fondements de la démocratie soit respecté», nous expliquait un non-jeûneur quelques minutes avant le début de la manifestation. Ce n'est pas un rassemblement des non-jeûneurs, mais une initiative citoyenne», martèle un autre. A notre arrivée sur l'esplanade de la Maison de la culture, un climat électrique régnait dans l'air. On savait que le rassemblement des non-jeûneurs allait être empêché, mais on était loin de se douter que cela allait rassembler autant d'opposants. A 10h, une poignée de militants commençait à se rassembler dans un coin de l'esplanade de la Maison de la culture Taos-Amrouche de Béjaïa. A peine 10 personnes. 20 mètres plus loin, un autre groupe se formait. Des représentants de la société civile, ceux-là même qui ont entrepris la veille des démarches auprès des autorités de wilaya pour empêcher le rassemblement, appuyés par quelques islamistes visibles à leurs tenues vestimentaires. Alors que ce groupe grossissait au fil des minutes, celui des non-jeûneurs n'évoluait guère. Le rapport de force était inégal. Le groupe des non-jeûneurs se concertait alors sur la poursuite ou non de l'action du jour. Déterminés, ils décident d'entrer en action. Ils ont à peine eu le temps d'afficher leur slogans qu'ils sont déjà encerclés et invités à quitter les lieux. La résistance de quelques-uns d'entre eux fera monter la tension, «les Allah Oukbar» et «vous n'avez rien à faire ici», «Béjaïa est une terre d'Islam», fusent de partout. Des renforts arrivèrent très rapidement à bord de voitures armés de leurs gourdins. La police surveillait de loin la situation qui était marquée aussi par l'incendie de la grande banderole des non-jeûneurs qui n'a même pas été déployée. Les non-jeûneurs ne voulaient pas céder. De toute façon, ils n'avaient pas d'autre choix. La foule des anti-rassemblements, qui a grossi en même temps, s'est mise ensuite à défouler sur l'esplanade affichant sa satisfaction de son succès.