Contre toute attente une formation islamiste, connue pour son hostilité au courant «laïc», se met aux côtés des journalistes emprisonnés. En effet, le député du mouvement El Islah et membre de la commission de défense nationale à l'APN, M.Hassan Aribi, vient, à travers une question orale d'interpeller le ministre de la Justice et garde des Sceaux, sur l'affaire Mohamed Benchicou et Hafnaoui Ghoul. Tout en rappelant le vice de forme dans la constatation de l'infraction, qui, en réalité, est du ressort des Douanes nationales et non de la Police des frontières (document n° 1103 DGD/CAB/D 700 daté du 25 mai 2004), le député d'El Islah s'interroge sur la nature des poursuites dont a fait l'objet le directeur du journal Le Matin. M Aribi estime, par ailleurs, que cette décision s'inscrit en faux contre l'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui stipule que les êtres humains sont tous égaux devant la loi. L'interpellation du ministre de la Justice par un député de surcroît islamiste, demandant la libération «immédiate» des deux journalistes incarcérés dénote non seulement l'évolution du discours politique des formations islamistes qui chassent sur le terrain des démocrates faisant du combat pour les libertés et les droits de l'homme leur mot d'ordre, mais surtout leur capacité d'adaptation à toutes les situations. D'autant plus que la position de notre confrère Le Matin à l'égard des partis islamistes - ce dernier s'était juré de ne pas défendre ces formations - n'a pas empêché le parti de Abdallah Djaballah de supplanter les partis de la mouvance dite démocratique. Il est utile de rappeler que les députés du mouvement El Islah ont été les premiers à avoir interpellé le gouvernement au sujet du dossier d'agrément du Cnapest et de la gestion des deniers publics par les walis et les chefs de daïra. Les parlementaires de M.Djaballah ont, par ailleurs, été les premiers à avoir dénoncé la violation de l'immunité parlementaire et demandé une commission d'enquête dans ce sens. Pourtant, les formations politiques, représentées à l'APN et censées être mieux placées pour faire de la défense des libertés leur credo, observent un silence radio. Le changement de stratégie des formations islamistes, obéit au souci de se redéployer au sein de la population. Une manière de leur dire qu'islamisme n'est pas synonyme d'intolérance et de retour au Moyen Age, mais une adaptation à la nouvelle réalité socioculturelle de la société algérienne. Rappelons que lors de la dernière élection présidentielle, le mouvement El Islah s'est associé au RCD dans le processus de surveillance du scrutin. Il est donc clair que le geste du député Hassan Aribi, en faveur de la libération des deux journalistes emprisonnés, est hautement symbolique, parce que loin des divergences idéologiques, il s'agit avant tout de préservation des libertés communes à tous les citoyens.