A l'adolescence, il composera ses premières chansons et animera plusieurs fêtes dans son village. Six ans après sa disparition, le souvenir de Matoub Lounès et sa voix rocailleuse et veloutée restent indélébiles dans l'esprit de tous les Kabyles. En effet, le charisme du chanteur kabyle, la beauté sonore de ses textes et ses multiples combats sont désormais passés à la postérité. Iconoclaste, volontiers provocateur, Matoub ne mâchait pas ses mots pour dénoncer l'ostracisme qui a longtemps frappé sa culture et surtout le fléau intégriste. Né le 24 janvier 1956 au village Taourirt Moussa (Beni Douala), Matoub manifesta un don précoce pour l'art dès son plus jeune âge. A l'âge de neuf ans, il fabriqua sa première guitare avec un bidon vide d'huile automobile. A l'adolescence, il composera ses premières chansons et animera plusieurs fêtes dans son village. Sa voie était toute tracée. Il désertera l'école en 1975 pour se consacrer entièrement à la chanson. En 1978, il enregistra son premier album Izem (le lion), avec l'aide d'Idir. Ce premier album connaîtra un succès retentissant. Le 20 avril 1980, Matoub, qui était en France, sera marqué par les événements du Printemps berbère. Il composera l'une de ses plus belles merveilles Yehzan loued Aïssi, pour immortaliser la révolte des étudiants de Tizi Ouzou en 1980. La concurrence était rude à l'époque avec la présence sur la scène artistique d'Aït Menguellet, Ferhat, Idir et d'autres. Néanmoins, le jeune Lounès saura captiver le coeur des Kabyles avec son timbre de voix grave, ses intonations et son orchestration empruntée au chaâbi, mais c'est surtout grâce à son dévouement à la cause berbère que la cote du lion des Ath Douala allait prendre une sacrée plus-value. Lors des événements d'octobre 1988, alors qu'il distribuait des tracts appelant au calme en Kabylie, il sera criblé de cinq balles par un gendarme d'Aïn El Hammam. Gravement blessé, Matoub subira 17 opérations chirurgicales et passera deux ans à l'hôpital. Revenu sur la scène, le rebelle, marqué par cette épreuve, dédiera son double album à la démocratie naissante en Algérie, mais ne manquera pas de pleurer son sort avec sa complainte Djamila. Quelques années plus tard, le pays sombre dans les ténèbres du terrorisme. Artiste engagé, Matoub prend position pour «l'Algérie qui avance». Il rendra d'ailleurs un vibrant hommage à Tahar Djaout dans la chanson Kenza. Cette prise de position lui coûtera un enlèvement de la part des terroristes au mois de septembre 1994. Toute la Kabylie est mobilisée pour son enfant. Quinze jours plus tard, il sera relâché. Dans son livre Le Rebelle, il racontera d'ailleurs cette énième péripétie de sa vie tumultueuse. Désormais, son nom est connu à l'échelle universelle et se verra décerner plusieurs prix dont celui de la mémoire en décembre 1994 par Mme Danielle Mitterrand, le prix canadien de la liberté d'expression ainsi que le prix Tahar Djaout de l'Unesco. Au péril de sa vie, Matoub refuse l'exil. Il aime tant ses montagnes pour pouvoir s'en séparer. Mais la mort, qu'il ne craignait point, l'attendait au tournant d'un virage en épingle à cheveux à Tala Bounane, le 25 juin 1998. Matoub, qui était en compagnie de sa troisième épouse Nadia et de sa belle-soeur, sera arrosé de balles par un commando armé dont l'identité reste à ce jour inconnue. Aujourd'hui, six ans après sa disparition, Matoub, qui a légué 36 albums, reste le symbole éternel de cette Kabylie insoumise. * Lion où es-tu ? Titre du premier album de Matoub en 1978