Une magnifique fusion roots-blues Ouverte vendredi, la 7e édition de ce Festival se poursuivra jusqu'au 14 août avec une pléiade d'artistes maghrébins et étrangers... On s'attendait à voir une foule compacte se presser au portillon du Théâtre de verdure de Riad El Feth. Il n'en était rien. Le public venu par grappes est apparu vers 19 h, qui muni de son billet, qui de son invitation. Quand le spectacle a commencé vers 20h30 passées après que le commissaire Mourad Chouihi ait annoncé solennellement l'ouverture du Festival, on s'est sérieusement demandé où étaient passés ces 500 tickets vendus en l'espace de deux heures, la veille en sachant qu'il restait encore des places dans les gradins? Pas de bousculade certes, mais un public de choix, très hétéroclite était venu apprécier ces bons moments de musique. La première partie fut tout de même assez lassante pour nos oreilles aguerries à la musique gnawie. Le groupe Diwan Sidi Blel, neuf musiciens sur scène dont huit au karkabou et un au gumbri ont gratifié le public d'un répertoire des plus connus ou galvaudés. Les artistes de cette formation, lauréate du Festival de musique gnawa de Béchar ont donné aussi à voir un patchwork de spectacle folklorique haut en couleur puisqu'une partie d'entre eux était vêtue de plumes créant par moment un cercle de «hadra» entraînante, même si la sauce n'a pas pu prendre réellement. Il faut dire que la majorité écrasante de l'assistance était venue écouter surtout sieur Keziah Jones qui avait fait réellement pour sa part monter la température sur sa page professionnelle facebookienne en annonçant tantôt, l'annulation de son concert, tantôt la non-venue de ses musiciens. De source bien informée il est dit que la présumée annulation du concert serait due au changement de cachet de l'artiste et ce, à la dernière minute. A propos de la non-venue cette fois de ses deux musiciens, l'un Anglais et l'autre Américain, Keziah Jones nous avouera en personne que ce sont les responsables diplomatiques de leurs pays respectifs qui leur ont déconseillé de venir en Algérie, arguant la mauvaise situation qui prévaut, notamment dans certains pays arabes comme la Libye ou au Proche Orient à Ghaza fomentés, en outre, par les images alarmantes de CNN. «Je leur ai répondu que je serai en Afrique, chez moi et je n'ai pas peur!». Bonne chose du côté algérien en tout cas puisque cela a permis à nos musiciens algériens de se frotter à cette grosse pointure internationale après avoir essayé une audition. «Une audition trafiquée», ont affirmé certains puisque «les noms des musiciens devant jouer avec Keziah étaient connus d'avance et les organisateurs voulaient d'emblée imposer leur choix», nous dira ce musicien bien introduit dans le milieu. Si Keziah Jones consentira à faire jouer Najib Gamoura sur un seul morceau, c'est au bassiste Lotfi Majdouba (frère de Linda Blues) qui aura l'insigne honneur de jouer le reste de la longue play list tandis que côté batterie, c'est Abdelkrim Mechar qui fera remarquer faire partie déjà de l'organisation (il a déjà joué dans le groupe Sinouj de Constantine, Smoke, Illusion etc) a qui incombera le rôle de faire hisser le tempo, non sans grand succès, mais avec quelques coups ratés cependant... Keziah Jones qui se produisait pour la seconde fois en Algérie a interprété les succès de ses trois albums, Blufunk is a fact!, Nigerian wood et son tout dernier opus Captain rugged. Parmi ses titres, on pouvait distinguer KPA Fuka, Familiarise, The Wisdom Behind The Smile (cash) ou encore Rythme is love qui ont bien fait danser l'assistance qui s'est ruée en bas des gradins et se précipita du côté des barrières en face de la scène. Le finish de la soirée a fait place à une fusion entre Keziah Jones et le groupe Diwan Sidi Blel, une belle fusion, d'autant plus que l'appel des racines s'est fait grandement sentir. Une sorte de communion totale fut ressentie sur scène où l'artiste nigérien a su se réconcilier avec ses roots en parfaite osmose jusque-là avec l'autre groupe algérien, n'était cette regrettable coupure d'electricité qui a plongé dans le noir les artistes sur scène, alors qu'il restait, selon les organisateurs, 10 mn encore avant la fin du spectacle. En bête de scène, Keziah a donné aussi à voir une très belle prestation scénique, en pleine interaction avec le public où seul, avec sa guitare aussi et son chapeau vissé sur la tête qu'il refuse mordicus d'enlever (pour la petite confidence), a fait planer sa belle âme gorgée d'émotion et de blues. En totale communion avec sa guitare, l'artiste émettait des bonnes ondes qui rejaillissaient sur le public, pour peu qu'on soit ouvert à la réceptivité... Comme diront certains, la musique, c'est avant tout les bonnes vibrations et la positive attitude, loin des conflits et des jalousies qui ont cependant un peu émaillé ce concert dans les coulisses. Ce qui importait pour Keziah Jones, lui, c'était de jouer et communiquer avec ses tripes et de trouver enfin chez l'Autre ce «groove» qui parle à l'âme et à l'esprit, avec son ventre, non pas à coups de partition et de notes mâchouillées sur un pupitre, car il nous avouera adorer placer des variations dans sa musique et se laisser aller. Sans doute sur les vagues du vertige de l'improvisation pour atteindre enfin le sommet du plaisir... Mission accomplie pour Keziah Jones!