Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan s'acheminait dimanche vers une victoire dès le premier tour de l'élection présidentielle qui va prolonger de cinq ans son règne à la tête du pays, malgré les mises en garde de ses adversaires sur sa dérive autoritaire. Selon des résultats partiels portant sur trois quarts des bulletins exprimés, M. Erdogan a récolté plus de 52% des voix dans ce scrutin disputé pour la première fois au suffrage universel direct, loin devant ses deux rivaux de l'opposition. Candidat commun de l'opposition social-démocrate et nationaliste, Ekmeleddin Ihsanoglu, un historien réputé de 70 ans qui a dirigé l'Organisation de la coopération islamique (OCI), a réuni quelque 39% des suffrages, alors que celui de la minorité kurde, Selahattin Demirtas, n'en a rassemblé que près de 9%. Si elle se confirme, cette victoire annoncée constituerait un succès personnel pour le chef du gouvernement, au pouvoir depuis 2003, qui rejoindrait ainsi le père fondateur de la République moderne et laïque, Mustafa Kemal Atatürk, parmi les dirigeants les plus emblématiques du pays. Grand favori de ce scrutin, M. Erdogan a déjà fait savoir qu'il conserverait les rênes de la Turquie depuis la présidence, dont il veut considérablement renforcer les prérogatives au prix d'une réforme de la Constitution. "Le président élu et le gouvernement élu oeuvreront main dans la main", a souligné dimanche le chef du gouvernement en glissant son bulletin dans l'urne dans un bureau de vote d'un quartier de la rive asiatique d'Istanbul. Sans surprise, M. Erdogan a facilement pris le dessus sur ses deux rivaux, au terme d'une campagne qu'il a écrasée de ses diatribes, de la puissance financière de son Parti de la justice et du développement (AKP) et de son emprise sur les médias du pays. M. Ihsanoglu, qui n'a pu lui opposer que son image de grand père rassurant mais sans relief, a dénoncé dimanche une "campagne injuste et disproportionnée" de son rival mais sans parvenir à susciter le sursaut des "masses silencieuses" qu'il espérait. Quant au candidat des kurdes, un avocat de 41 ans au sourire photogénique, il n'a pas réussi à mordre au-delà de cette communauté de 15 millions d'âmes. Toujours populaire malgré les critiques et les scandales, le Premier ministre est, lui, parvenu à mobiliser largement ses troupes.