Le communiqué du Groupe salafiste ôte tout intérêt aux résultats de l'enquête qui ne viendront jamais. Une heure après l'explosion, le dernier des habitants du quartier d'El Hamma pouvait vous dire que l'explosion qui a touché la centrale électrique provenait bel et bien d'une charge explosive cachée dans la cabine d'un camion stationné sur le trottoir en face des groupes de turbines, le lundi 21 juin dernier à 22h04. Pourtant, dix jours après, ni la commission d'enquête mise immédiatement sur place, ni le ministère de l'Intérieur qui avait privilégié la thèse d'un «incident qui reste à déterminer», n'ont donné signe de vie. Pire, la revendication du Gspc enlève tout intérêt à toute nouvelle communication, laquelle serait non plus uniquement «tardive», mais «inutile». D'autant plus que le Groupe salafiste promet, sur son site Internet, de donner plus de détails encore, avec photos à l'appui, sur ce «coup de semonce donné aux autorités». Comme un cheveu dans la soupe, cet attentat est venu de façon fort impromptue au moment même où l'Algérie, traversant une période faste, faite d'embellie politique, économique et sécuritaire, exigeait de ses partenaires occidentaux plus d'efforts dans l'investissement et l'accélération de la circulation des capitaux. Les conséquences de cet attentat seront longues à se dessiner, mais on suppose que d'ores et déjà, les chancelleries occidentales notent dans leurs rapports confidentiels la poussée des actes de violence qui tendent à se concentrer et à se rapprocher des centres urbains, notamment la capitale. Tout comme elles ont pris acte, avec une certaine appréhension, de l'avertissement donné par le Gspc aux ressortissants étrangers vivant en Algérie, dans un communiqué signé et diffusé le 6 juin dernier et qui cible nommément les étrangers. Dans notre démarche, hier, à en savoir plus quant à la commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les circonstances exactes de l'explosion du 21 juin, les mêmes réponses, apprises, ont été dites, avec les mêmes mots, tant au niveau de la direction générale de la Société nationale de l'électricité et du gaz (Sonelgaz) que des départements de l'énergie de Chakib Khelil, de l'intérieur ou de la Dgsn. «Nous ne sommes pas habilités à en parler», «Prenez attache avec la tutelle», «La police scientifique nous communiquera bientôt les résultats de l'enquête» sont les formules qui sont revenues le plus souvent dans les réponses des divers responsables des secteurs concernés. En réalité, la gêne des autorités ne résulte pas de cet attentat, mais des répercussions politiques qui en découlent. Non seulement, le Gspc menace les étrangers travaillant en Algérie, après avoir pris en otage des touristes européens dans le Sahara, dans une incroyable aventure qui dure encore à ce jour, mais aussi il porte le danger au coeur même de la capitale, quadrillée par près de 20.000 policiers et gendarmes, et promet d'autres démonstrations de force «pour démonter les capacités du Gspc». Les forces de sécurité avaient pourtant réagi avec une force de frappe remarquable au lendemain du «communiqué de guerre contre les étrangers», en abattant dans deux localités situées sur les contreforts de Béjaïa, sept chefs du Gspc, dont l'émir Nabil Sahraoui, l'artificier Abdelmalek Droukdel, le conseiller militaire, Abu Abdelaziz, le conseiller à l'information, Youcef Khettab, ainsi que trois autres hommes, formant le groupe d'élite de l'organisation. Toutefois, l'attentat contre la centrale électrique, suivi de deux autres, perpétrés dans le centre du pays, en appelle à une revue à la baisse de la maîtrise quasi totale des zones de mouvement du Gspc vers le Centre. On pense même que le Gspc prend son temps pour évaluer, jauger avant de frapper, en actionnant, par l'Algérois, une cellule d'hommes réduite mais exceptionnellement efficace, et qui a démontré ses capacités depuis six mois dans les attentats ciblés et toujours réussis. Ce nouvel épisode peut augurer d'une nouvelle stratégie que le Gspc entend mener dans les centres urbains, afin, d'un côté de faire diversion et de laisser respirer ses fiefs traditionnels, et d'un autre côté, de porter le discrédit sur les forces de sécurité en frappant au coeur même des endroits jugés très sécurisés.