La zone littorale qui s'étend de Bab-El-Oued à Club-des-Pins, était complètement isolée du reste du pays. La morgue du cimetière d'El-Alia était très visitée hier par des parents à la recherche d'un proche dont ils étaient sans nouvelle. Visite de l'extrême effectuée après avoir remué les hôpitaux, les commissariats en vain. Visite au cours de laquelle il était difficile de reconnaître celui qui est recherché tant les cadavres alignés étaient enflés. Les hôpitaux non plus n'ont pas chômé. Maillot, Mustapha, polyclinique Mira étaient très fréquentés par les parents des victimes hospitalisées ou ceux qui les recherchent toujours. Couloirs encombrés, civières à même le sol, va-et-vient incessants du personnel hospitalier et brouhaha indescriptible composent le lamentable tableau qui s'offre aux yeux. Sur les lieux du drame, l'atmosphère était tout autre. La zone littorale qui s'étend de Bab-El-Oued à Club-des-Pins, était complètement isolée du reste du pays. Impossible d'y accéder par l'Est. A hauteur d'El-Kettani, la route sous les eaux était impossible à franchir autrement que par une embarcation. Nule autre chemin n'existe ne serait-ce que pour atteindre Bologhine qui, de ce fait, était plongée dans un sinistre total. Sans électricité, sans téléphone, sans pain ni autres denrées. Livrée à elle-même, la commune n'offrait aucun moyen d'information à ses habitants en quête de nouvelles de leurs disparus. Plus loin, à Pointe Pescade, c'est une autre rupture du trafic routier qui aggrave l'isolement. Des monticules infranchissables de boue barrent la route. Là aussi l'approvisionnement des populations est nule. Seul choix, rogner sur les stocks quand ils existent. Plus loin encore, Baïnem vit le calvaire. L'hôpital de la ville est hors d'usage. Sans énergie électrique, groupe électrogène inexistant, sans communication avec l'extérieur, sans eau, sans la majeure partie de son personnel qui n'a pu rejoindre les lieux, cette structure désarticulée n'avait plus rien d'un hôpital. La boue est présente partout. Des jeunes volontaires tentent d'aider par leurs conseils les automobilistes téméraires qui avaient osé s'aventurer jusque-là. Les magasins ont presque tous baissé rideau soit parce que les propriétaires sont occupés à déblayer leurs locaux de la vase qui s'y est engouffrée soit pour n'avoir pas été approvisionnés. En poussant plus loin la «randonnée», et en arrivant au lieu dit «la forêt», situé entre le Phare et Aïn Benian où la boue est toujours de la partie, tout un quartier est enseveli. Un affaissement de terrain a «aspiré» nombre de maisons avec leurs occupants. Il ne reste qu'un trou béant en bordure de la route à l'intérieur duquel apparaissent toutes sortes d'objets qui composaient les habitations et leurs contenus. Sur les flans, résistent encore quelques pans de maisons éventrées. Spectacle de désolation offert aux badauds impuissants devant les grands moyens nécessaires pour une quelconque intervention. Quelques kilomètres plus à l'Ouest, c'est un pont qui a cédé. Situé juste avant le Club des Pins à hauteur de la plage des Dunes l'ouvrage atteint rend impossible toute progression de la traversée. Là s'arrête notre «périple» peu reluisant dans sa prise en charge par les autorités. D'Est en Ouest et à aucun moment du tronçon que nous avons pu parcourir difficilement hier matin, pas un seul policier rencontré, pas un sapeur-pompier aux abords du quartier enseveli ni aux endroits où la Route nationale prend des allures de montagnes russes et où l'amoncellement de boue rend imminent l'enlisement. Seulement des jeunes aux mains nues et beaucoup de solidarité à offrir pour guider, diriger, aider tous ceux qui les sollicitaient. Belle image d'entraide et en fondu enchaîné l'amer constat de la désertion et l'absence tant des élus que des représentants de l'Etat. Plan Orsec avez-vous dit ?...