En perdant ses fonctions officielles et politiques, Abdelaziz Belkhadem est envoyé à 69 ans à la retraite anticipée. La nouvelle est tombée tel un couperet à 13h42 sur le fil de l'APS. Inattendu, le puissant conseiller à la présidence et homme politique d'influence, Abdelaziz Belkhadem, a été brutalement limogé. Le président de la République, M.Abdelaziz Bouteflika a, en effet, mis fin hier matin, aux fonctions de M.Abdelaziz Belkhadem, au moment où le chef de l'Etat présidait le Conseil des ministres au palais d'El Mouradia. A la lecture du communiqué rendu public par l'APS, il est indiqué que le président Bouteflika «a pris un décret en vertu duquel il a mis fin aux fonctions de M.Abdelaziz Belkhadem en qualité de ministre d'Etat, conseiller spécial à la présidence de la République, ainsi qu'à toutes ses activités en relation avec l'ensemble des structures de l'Etat». Alors que certains observateurs annonçaient son triomphe et son retour aux manettes du FLN, qui pourrait le propulser à la tête de l'Etat en prévision de la prochaine présidentielle, Belkhadem s'est fait exploser en plein vol. Les dessous de cette mise à l'écart trouvent leur explication dans le dernier paragraphe qui ne fait pas de place à un doute lorsqu'il est indiqué que le contact a été pris avec M.le secrétaire général du parti du Front de libération nationale (FLN) à l'effet de prendre les mesures nécessaires afin de mettre fin aux fonctions de M.Abdelaziz Belkhadem au sein du parti et interdire sa participation aux activités de l'ensemble de ses structures. Jamais le président Bouteflika n'avait adopté un ton aussi ferme envers un haut responsable de l'Etat et demandé sa mise à l'écart politique. Même Ali Benflis, alors chef du gouvernement et SG du FLN et qu'il avait constitué une fronde contre le président à l'approche de la présidentielle de 2004 n'avait pas subi un limogeage aussi brutal. La cause évidente et la seule résiderait dans son fébrile activisme, relevé ces dernières semaines et ses alliances avec les redresseurs pour reprendre les rênes du parti du FLN, duquel il a été chassé en janvier 2013. La fonction de ministre d'Etat, conseiller spécial à la présidence de la République lui a donné, le croyait-il à ses yeux, une chance pour reconquérir le terrain perdu dans cette âpre bataille pour chasser Saâdani, qu'il qualifiait d' «intrus», introduit par effraction dans «la maison FLN». Il avait déjà donné une image négative du FLN en forçant la porte du comité central le 24 juin dernier avec ses gardes du corps. Il y a à peine quelques semaines, ce même Belkhadem sur un ton arrogant, sûr de lui et dominateur, répondait dans une interview sur El Bilad TV (Une chaîne privée islamiste, proche des anciens du MSP), affirmant qu'il avait informé le président de la crise au FLN et de ses conséquences que cela pouvait avoir sur la stabilité politique intérieure. Ce sont également les multiples tractations secrètes avec des courants opposés à l'actuel SG du FLN, afin d'accélérer les démarches pour donner une dimension démesurée à la crise en FLN, qui ont motivé cette décision de l'écarter du parti majoritaire. On reproche surtout à Belkhadem d'avoir outrepassé son devoir de réserve que doit respecter tout homme d'Etat en se permettant d'étaler sur la voie publique des sujets débattus en cercle fermé au plus haut de l'Etat. Mais la goutte qui a fait déborder le vase, c'est sa participation à une université d'été du Front du changement (FC) organisé par Abdelmajid Menasra et à laquelle avaient pris part plusieurs leaders de l'opposition: Ali Benflis, Ahmed Benbitour, Sid Ahmed Ghozali, Ahmed Attaf, Abdelaziz Rahabi... Cette image de ministre d'Etat et conseiller de la présidence de République faisait tache d'huile à côté des ténors de l'opposition dont certains s'étaient même opposés à un quatrième mandat de Bouteflika. La décision du président servira aussi d'avertissement à d'autres politiques qui seraient tentés, à moment ou un autre, de porter atteinte à la culture de l'Etat. Ce qui a surpris les observateurs, en plus de son limogeage de ses fonctions officielles, c'est l'ordre donné au secrétaire général du parti du Front de libération nationale (FLN), Amar Saâdani, de prendre les mesures nécessaires afin de mettre fin aux fonctions de M.Abdelaziz Belkhadem au sein du FLN. Or, cette décision ne peut se faire tout de suite, car selon le règlement intérieur du parti, Belkhadem qui est membre du comité central ne peut être écarté du parti que par une décision du conseil de discipline. Politiquement, Belkhadem est définitivement écarté de toute ambition de récupérer le parti en prévision du 10e congrès du FLN qui est prévu le 1er trimestre 2015. M.Belkhadem avait été nommé conseiller spécial du chef de l'Etat à la mi-mars, peu avant le lancement de la campagne pour l'élection présidentielle du 17 avril, il est ainsi évincé du pouvoir. Ancien président de l'Assemblée populaire nationale et ancien patron du FLN, M.Belkhadem a aussi exercé sous la présidence de M.Bouteflika les fonctions de chef de gouvernement et de ministre des Affaires étrangères. Cet islamo-conservateur n'avait pas caché ses ambitions de succéder à M.Bouteflika si ce dernier ne s'était pas présenté à un quatrième mandat en avril dernier, mais seulement voilà, le président Bouteflika lui a choisi un autre destin: un homme politique en retraite anticipée.