Le troisième sommet de l'UA qui s'est ouvert hier a inscrit parmi ses priorités la situation au Darfour et les conflits en RDC et en Côte d'Ivoire. L'Afrique est-elle de retour, comme l'annonçait en préambule, le chef de l'Exécutif de l'Union africaine, Alpha Oumar Konaré, alors que d'aucuns estiment qu'elle est plutôt à la croisée des chemins? Ainsi, devant ses pairs africains, l'ancien président malien affirme : «Vous continuerez à faire l'Histoire, à accélérer l'Histoire, à la hauteur des défis actuels, à la hauteur de l'Afrique, terre d'espérance. Vous marquerez clairement que l'Afrique est de retour.» Reste certes à voir si ce sont là des paroles convenues ou exprimant la réalité d'un continent qui continue à se débattre dans maints problèmes qui ne lui ont pas permis, jusqu'ici, de jouer le rôle qui aurait dû être le sien. Car le continent africain, outre les conflits qui, souvent, ont obéré son décalage économique et social, souffre également, et ceci peut expliquer cela, de la mainmise de dirigeants qui monopolisent le pouvoir, pour certains d'entre eux, depuis les indépendances de leur pays. De fait, la dictature était la forme la plus usitée de gouvernance en Afrique post-indépendance et ce n'est que récemment, les pressions de la communauté internationale aidant, que les responsables africains ont commencé à mettre un peu de forme dans la gouvernance de leur pays. Toutefois, ici et là, beaucoup de responsables ont trouvé le moyen de contourner cette difficulté en procédant à des «aménagements» de la Constitution. Cette récurrence de la mal gouvernance n'est pas passée inaperçue du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui assistait hier à l'ouverture du sommet de l'UA et qui a axé son propos sur ce fait, mettant en garde contre des modifications non appropriées de la Constitution. Ainsi, dans une intervention remarquée, Kofi Annan a, d'emblée, sans ambages, déploré une tendance qui se généralise en Afrique consistant à la modification de la Constitution pour permettre aux dirigeants de se maintenir au pouvoir. S'adressant aux chefs d'Etat et de gouvernement présents à Addis-Abeba, le secrétaire général des Nations unies indique en effet que «les gouvernements ne devraient pas manipuler ou modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir au-delà des mandats prescrits qu'ils ont acceptés lorsqu'ils ont pris leurs fonctions» soulignant «on ne saurait parvenir à un équilibre institutionnel sans une alternance pacifique et conforme à la Constitution. Il n'est pas de plus grande sagesse, de marque évidente du sens de l'Etat que de savoir, le moment venu, passer le flambeau à la génération suivante.» Par ce rappel, le secrétaire général des Nations unies met en fait le doigt sur la plaie de l'Afrique dont les responsables ne comprennent pas qu'il était grand temps pour eux de céder la place à la nouvelle génération. Une génération mieux formée et qualifiée pour apporter le plus et les transformations dont l'Afrique a besoin, mais qui est restée confinée, dans nombre de pays africains, dans un stand-by qui perdure. Nombreux sont en effet les dirigeants africains qui ont amendé le Constitution, ou ont l'intention de le faire, pour prolonger leur mandat au-delà du temps qui leur est imparti par la loi fondamentale de leur pays. C'est en fait, l'une des récurrences qui marquent d'une pierre noire le parcours politique du continent africain. Aussi, la persistance des conflits dans de nombreux pays africains entre-t-elle de plain-pied avec la lutte pour le pouvoir qui demeure l'une des raisons essentielles des crises qui secouent l'Afrique cycliquement dont la dernière en date, celle de Côte d'Ivoire, qui ne cesse de s'aggraver devant l'impossibilité de ses acteurs à s'entendre sur un processus de retour à la paix. D'ailleurs, un mini-sommet, en marge de la conférence de l'UA, réunissait hier à Addis-Abeba outre le président ivoirien, Laurent Gbagbo, Kofi Annan et les présidents nigérian, Olusegun Obasanjo, gabonais, Omar Bongo, ghanéen, John Kufuor et sans doute togolais, Gnassingbé Eyadema, qui mena nombre de médiations entre les factions ivoiriennes. Un sommet similaire a également été organisé pour trouver une solution aux tensions qui perdurent entre la RD du Congo et le Rwanda. Mais c'est encore la famine qui menace le Darfour qui semblait préoccuper le plus le secrétaire général de l'ONU qui souligne «l'horrible situation au Darfour» appelant l'Afrique à agir, mettant en garde, hier à Addis-Abeba, contre «une catastrophe humanitaire encore plus grande (au Darfour, région ouest du Soudan) qui pourrait déstabiliser la région». D'ailleurs, le sommet de l'UA, qui s'achève demain, a largement consacré ses travaux aux conflits qui déchirent l'Afrique mettant en lumière le fait que depuis quatre décennies, ce sont encore et toujours les mêmes problèmes qui sont soumis à l'attention des sommets africains. Notons enfin que le président du Nigeria, Olusegun Obasanjo, a été nommé hier, à l'ouverture du sommet, président en exercice de l'Union africaine en remplacement du président sortant, le Mozambicain Joaquim Chissano