Tout se discute, mais rien ne parait évident, semblent se dire les dirigeants africains réunis depuis hier dans la capitale soudanaise pour le 6e sommet ordinaire de l'UA (Union africaine). Tout est parti de ce qui semblait justement être une évidence, à savoir que la présidence de l'UA échoit de manière automatique au pays hôte. « Faux », dit-on de diverses sources, y compris extra-africaines, en particulier, l'Union européenne et les Etats-Unis qui, avec l'ONU, ont un vieux contentieux avec le Soudan en ce qui concerne la situation dans la province soudanaise du Darfour. Les explications des uns et des autres ne sont pas, bien entendu, convergentes, contestant à ce pays d'être juge et partie. D'ailleurs, les puissances extra-africaines entendent pousser leur argumentation jusque-là où cela fait mal, c'est-à-dire la bourse, le point faible de l'Afrique qui a déployé dans cette zone une force de paix. Mais cette dernière n'apporte que les troupes, tout le reste lui vient de l'extérieur. C'est pourquoi, l'ordre des priorités a cette fois changé fondamentalement. La question de la présidence a toujours été réglée, voire expédiée dès l'ouverture du sommet, mais cette fois comme la question paraît ardue, on y débat, avec force arguments. En conséquence de quoi, le sommet ouvert hier devra en particulier se prononcer sur la candidature du Soudan, pays hôte, à la présidence de l'organisation panafricaine. Le président en exercice de l'UA, le Nigérian Olusegun Obasanjo, a déclaré ouvert ce 6e sommet ordinaire des 53 pays africains, tandis qu'un message de bienvenue était prononcé par le leader soudanais, Omar El Béchir qui a proposé dimanche une formule de compromis, en fait un partage, en laissant le dossier chaud du Darfour entre les mains du président sortant et en prenant en charge le reste. Ce qui n'est pas l'avis d'autres pays qui ne veulent pas d'une présidence soudanaise. Ce qui a tendance à occulter fortement l'ordre du jour de cette session, dominée principalement par les conflits. Pendant deux jours, les dirigeants africains doivent se pencher sur les sujets les plus brûlants, en particulier le conflit sanglant du Darfour qui a fait en trois ans de 180 000 à 300 000 morts et deux millions de déplacés. Alors que des dizaines de personnes meurent toujours chaque mois dans cette province ouest du Soudan, sa responsabilité dans ce drame pourrait empêcher au président Omar El Béchir d'accéder à la présidence de l'UA. Le Congolais Denis Sassou Nguesso pourrait alors prendre sa place, sa candidature à la présidence étant ouvertement évoquée. Mais elle pourrait être bloquée pour une question de rotation géographique. La question s'avère alors bien difficile, et elle révèle alors l'enjeu plus politique que protocolaire. En groupes restreints ou en coulisses, il n'y avait qu'elle, éclipsant malheureusement des questions bien plus sensibles puisqu'elles concernent le devenir de millions d'Africains, à travers une démocratisation du continent et son développement. Des entretiens sur la question de la présidence de l'UA ont eu lieu jusque tard dimanche soir sur le lieu du sommet sur les bords du Nil bleu. Après une réunion dimanche soir, plusieurs pays ont demandé au président El Béchir de retirer sa candidature, faute de consensus, a-t-on appris de sources diplomatiques africaines. Des pays d'Afrique de l'Est, ou encore l'Egypte ou la Libye, avaient en revanche apporté leur soutien au président El Béchir, a-t-on indiqué de mêmes sources. « Une décision n'est pas encore prise, nous en rediscuterons après la cérémonie d'ouverture », a déclaré le président sénégalais Abdoulaye Wade. Un diplomate sud-africain a indiqué que la question devrait être tranchée dans la journée. Seul candidat déclaré fait profil bas sur le sujet. Il n'a pas dit un mot sur sa candidature dans son discours de bienvenue. Des dizaines d'ONG ont dénoncé la perspective de voir le Soudan présider l'UA, estimant que la responsabilité de Khartoum était lourdement engagée dans le conflit du Darfour. Le représentant du secrétaire général de l'ONU au Soudan, Jan Pronk, certainement l'un des hommes les plus critiques à l'égard du gouvernement soudanais qu'il suit d'ailleurs à la trace dans la gestion de ce dossier, a appelé dimanche à Khartoum les belligérants du Darfour ainsi que l'UA à fixer une nouvelle date butoir pour la conclusion d'un accord de paix au Darfour. « L'accord que nous recherchons doit être plus global, si nous voulons mettre fin à la guerre au Darfour », a déclaré M. El Béchir, ajoutant : « Nous sommes déterminés à surmonter cela dans le futur le plus proche. » Le président de la commission de l'UA, l'ancien chef d'Etat malien Alpha Oumar Konare, a souligné qu'en dépit de « tous nos efforts, la question du Darfour (...) reste notre principale préoccupation ». La reprise des troubles en Côte d'Ivoire et la crise entre le Tchad et le Soudan seront également discutées, selon Oluremi Oyo, la porte-parole du président Obasanjo, ainsi que le sort de l'ex-président tchadien Hissène Habré, en exil au Sénégal, dont la Belgique demande l'extradition pour violations « graves » des droits de l'homme. Pour M. Konare, « la situation en Côte d'Ivoire est devenue inquiétante, surtout après la levée d'espoir qui a suivi la nomination consensuelle du Premier ministre », Charles Konan Banny. Des questions traditionnelles comme on se plaît à les caractériser dans les milieux diplomatiques. Mais questions récurrentes qui ne révèlent pas à elles seules ou par elles-mêmes l'ampleur des problèmes qui affectent l'Afrique qui expliquent quant à eux toute la détresse de populations entières. L'Algérie a rompu ce cercle fermé en portant devant le sommet des questions aussi sensibles que les migrations et l'éducation. Ses propositions consignées dans des documents ont d'ailleurs été retenues. Une manière d'aller de l'avant.