La visite de Michèle Alliot-Marie permettra de donner tout son sens au concept de «refondation» des relations entre l'Algérie et la France. Dossier sensible dans les relations algéro-françaises, en raison de la charge symbolique qu'il véhicule, au vu notamment d'un passé colonial encore pesant, la coopération militaire entre Alger et Paris a de tout temps été le parent pauvre des relations entre les deux capitales. Il est un fait notoire que l'Algérie est exclusivement approvisionnée par la Russie. L'acquisition d'une cinquantaine de Mig-29 est révélatrice des relations traditionnelles entre les deux pays en matière d'équipements militaires. La politique de deux poids, deux mesures adoptée par les autorités françaises, en privilégiant les armées tunisienne et marocaine au détriment de l'ANP, dénote une méfiance réciproque. Or, comment expliquer que la plus grande partie de l'arsenal militaire marocain est constitué d'escadrilles de Mirages 2000 et de chars blindés Leclerc, en sus, bien entendu, du transfert de la technologie militaire française au profit du Maroc? Il est donc clair que la visite, en fin de semaine, en Algérie, de la ministre française de la Défense, Mme Michèle Alliot-Marie entre dans le cadre d'une compétition géostratégique franco-américaine dans la région du Maghreb. Les missions de bons offices dépêchées par Paris et Washington au Maroc et en Algérie pour parvenir, chacun selon sa conception, à régler la question du Sahara occidental, obstacle majeur à la réactivation des activités de l'UMA, dénotent une véritable course de repositionnement en Afrique du Nord entre les deux puissances mondiales. L'une des raisons, et non des moindres, pouvant expliquer l'intérêt porté par les capitales occidentales à l'Algérie, est d'abord le retour à la stabilité politique et économique. L'accumulation des réserves de change qui frôlent les 40 milliards de dollars est tout de même un «pactole» alléchant pour les Français et les Américains. Rappelons que le dossier des ventes d'armes à l'Algérie, interrompues sous François Mitterrand en 1993, risque d'être rouvert à l'occasion de la visite de Mme Alliot-Marie. Un dossier à peine effleuré par les responsables politiques et militaires des deux pays depuis la visite du président Abdelaziz Bouteflika, le 13 juin 2000 en France. Une visite qui a été précédée par celle du ministre des Affaires étrangères de l'époque, M.Yousfi qui avait déclaré à la presse : «Les sociétés françaises de l'industrie militaire n'ont à craindre aucun ostracisme de notre part. Nous sommes tout à fait prêts à discuter avec elles sans aucun préalable.» Pour sa part, le chef de l'Etat français, Jacques Chirac, avait fait savoir que «les demandes d'équipements militaires sont examinées au cas par cas, selon nos procédures propres». Aussi, la coopération militaire algéro-russe et les actions américaines dans le cadre de la lutte antiterroriste, dans la région sahélo-saharienne ont inspiré les autorités françaises, d'autant plus que l'Algérie, qui a adhéré à l'Otan, doit diversifier ses fournisseurs en matière d'équipements militaires. Cependant, en dépit de l'impératif de diversification des fournisseurs, l'armée algérienne n'a pas prospecté le marché français de l'armement. Pour preuve, lors de ses tournées à l'étranger, notamment à Moscou, Minsk, New Delhi, Rome et Durban, le général Mohamed Lamari a évité l'escale parisienne. Même si ce dernier avait reçu, le 27 mai 2000, au siège du ministère de la Défense nationale, M.Paul Habert, le vice-amiral de la flotte française. C'était la première fois, en dix ans, qu'un haut gradé de l'armée française venait en Algérie. La visite de Michèle Alliot-Marie permettra, non seulement de donner au concept de «refondation» des relations entre l'Algérie et la France tout son sens, mais surtout de tisser des relations d'amitié dans le strict respect des intérêts des deux pays, loin de tout calcul politicien étroit.