La question d'un engagement français en Syrie était au départ écartée par Paris, de l'aveu même du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, elle est désormais «posée». La France concentre jusqu'à présent en Irak ses frappes aériennes visant à stopper la progression des jihadistes du groupe Etat islamique (EI), mais la possibilité de les élargir à terme à la Syrie est désormais sur la table. Huit jours après le début des missions françaises, les avions français et américains se répartissent l'essentiel de la tâche et des cibles. L'aviation américaine multiplie les frappes en Irak et en Syrie, les Rafale français visent les jihadistes uniquement en Irak. Une répartition très déséquilibrée, puisque avec deux frappes et une douzaine de missions de reconnaissance depuis le 15 septembre, le nombre de raids français se situe loin derrière les plus de 200 frappes conduites depuis le 8 août par les Américains. Mais si la question d'un engagement français en Syrie était au départ écartée par Paris, de l'aveu même du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, elle est désormais «posée». «Il y a une répartition des tâches, pour l'instant», souligne-t-on dans l'entourage du ministre de la Défense, où l'on concède qu' «évidemment, aujourd'hui ces questions sont posées». «On est juste au début» et l'action de la coalition internationale, conduite par les Etats-Unis, s'inscrit «dans le temps long», souligne-t-on. «Ce qui est sûr, c'est qu'il faut compter en mois». Avocate à l'été 2013 d'une intervention aérienne en Syrie aux côtés des Etats-Unis, la France y avait renoncé après le revirement de Washington. Elle rechigne depuis à s'engager de nouveau dans cette direction pour deux raisons: Paris veut être assuré que les frappes de la coalition en Syrie ne profiteront pas sur le terrain au régime de Bachar al-Assad, et qu'elles répondent à l'objectif français dans ce pays: «Conforter l'opposition modérée». Le chef de la diplomatie française a reconnu cette semaine aux Nations unies qu'aucune opposition légale n'interdisait d'intervenir en Syrie. «Mais nous, nous nous concentrons sur l'appui à l'opposition modérée. Un appui politique, un appui matériel», a dit Laurent Fabius. «En fonction de la situation, il pourrait y avoir telle ou telle adaptation», a-t-il répondu, interrogé sur ce qui pourrait décider Paris à se joindre à des frappes. «Mais pour le moment, nous ne le faisons pas», a-t-il ajouté. «On se donne du temps. Nous ne pensons pas qu'aujourd'hui les conditions soient réunies et surtout on a une répartition des tâches», souligne à Paris un haut responsable de la Défense. Pour optimiser les moyens qu'elle a engagés - six Rafale et un ravitailleur -, la France concentre donc son action «directement en Irak» et l'extension de l'intervention française en Syrie «n'est pas à l'ordre du jour militaire», fait-on valoir. Sur le terrain irakien, les aviateurs français et américains s'échangent des renseignements sur les objectifs et les cibles des jihadistes. Un domaine dans lequel la France peut apporter une véritable plus-value. Outre les appareils des autres pays, notamment du Golfe, engagés dans la coalition, ils recevront prochainement le renfort des Britanniques, Londres ayant décidé vendredi de se joindre à la coalition, pour des frappes là encore limitées à l'Irak. Six Tornado de la Royal Air Force, basés à Chypre, contribueront aux raids, une participation identique à celle des Rafale français. Six F-16 de l'aviation belge ont également quitté la Belgique pour le Moyen-Orient vendredi, et le Danemark a annoncé le déploiement de sept appareils du même type. «Notre objectif principal, c'est d'éviter que Daech continue de progresser en Irak», souligne-t-on côté français. Il s'agit d'affaiblir les capacités militaires des jihadistes pour que l'Etat irakien puisse reprendre le dessus et récupérer l'intégrité de son territoire. La durée des opérations dépendra donc du temps nécessaire à l'armée irakienne pour se reconstituer. Sur le plan militaire, la première phase consiste à recueillir le maximum d'informations sur les positions jihadistes.