L'Algérie au scalpel Le temps d'un one-man-show tendre et cocasse, le dessinateur délaisse sa planche à dessin pour plancher sur son passé et présent, entre l'Algérie et la France... C'est vendredi dernier qu'ont été remis les prix du concours international en commençant par le prix du meilleur album en langue arabe, lequel a été décerné à Mahmoud Benmeur, Safia et Soumeya Ouarezki pour Fatma Parapluie, sorti aux éditions Dalimen, l'histoire d'une femme devenue folle se promenant nue à Alger pendant la Seconde Guerre mondiale. Aussi, le Prix du meilleur projet est revenu à Togo et motus, Tangala, une histoire qui se passe à Madagascar. Le Prix du meilleur album quant à lui, est revenu à Clandestino de Orel. Le Prix du meilleur album collectif a été décerné à l'association et leur carnet Bassau ne meurt jamais. Le Prix spécial du jury a récompensé l'Arabe du futur de Riad Satouf. Le Prix du meilleur manga est revenu à la Tunisie. Aussi, le meilleur scénario et dessin figurent aussi dans cette liste de prix remise par un jury présidé notamment par l'éditeur Jean-Luc Schneider qui fera remarquer avoir reçu une soixantaine d'albums en compétition, toutes catégories confondues et retenus ainsi qu'une trentaine de projets. «C'est la troisième fois que je viens. J'ai l'honneur de présider le jury depuis 3 ans et je trouve qu'il y a une progression qualitative et quantitative. Même les mangas algériens m'étonnent. On arrive à un niveau européen professionnel. Ce festival prend de l'ampleur. J'ai appris un tas de choses que je ne connaissais pas, notamment de la BD philippine, yéménite, égyptienne. Je fais beaucoup de festivals, je suis à Angoulême depuis 25 ans. J'ai un stand éditeur et il se trouve qu'aujourd'hui, j'ai plus le plaisir de venir à Alger que d'aller à Angoulême, car il y a plus de choses qui m'étonnent ici qu'à Angoulême qui est pourtant la mecque mondiale de la BD. Je trouve qu'il y a de l'audace, de l'envie des choses nouvelles, graphiques, scénaristiques, des gens qui ont envie de raconter des histoires. C'est une très bonne chose pour l'Algérie, la culture et la bande dessinée en générale.» Après cette cérémonie, le dessinateur et scénariste franco-algérien, Gyps a gratifié le public d'un stand pour le moins surprenant Alger Rien, inspiré de ses différentes BD sur la société algérienne et française, les années 1980 en Algérie et son départ surtout en 1995 suite aux menaces terroristes, lui qui était à l'époque illustrateur au quotidien Le Matin. Aussi, délaissant son crayon, l'espace d'une scène, l'artiste croquera les sociétés des deux rives avec force satire et humour décapant. Parmi ces différents thèmes et sujets qu'il épingle, il y a celui de l'intégration. Et le voici qui décrit à force gestuelle et tentative d'esbroufe ses premières années de l'exil où il était obligé de faire la manche dans le métro pour gagner sa vie, ses ventes de BD ne lui apportant pas grand-chose. Mais entre l'autodérision, la diatribe acerbe, il y a cet humour caustique qui introduit deux personnages des plus savoureux et dont le destin fera se séparer en raison de la malchance de l'écart de niveau de vie ou pire, de l'intégrisme. D'une mèche d'allumette d'abord! Ces sacrés allumettes made in socialisme rampant, remplacées aujourd'hui par un esprit capitaliste anarchique. Dans son récit fragmenté de parcours de dessinateur, déchiré, en Algérie puis en France, Gyps parle de ses rencontres, notamment avec Messa, le jeune Tchitchi, Moh la Violette, chômeur de son quartier, et aussi de Rachel Bensoussan, la vieille pied-noir etc. Mais la nostalgie est bel et bien présente comme un vernis collé à ce spectacle. Gyps qui a quitté son pays depuis près de 20 ans a l'humour noir au bout de la gorge et les étincelles de l'émotion plein le regard. Un artiste ça triche pas!