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L'Aïd à couteaux tirés
LES PREPARATIFS VONT BON TRAIN
Publié dans L'Expression le 02 - 10 - 2014

On trouve des professionnels de ce métier sinistré qui passe de père en fils
Les algériens n'oublient toutefois pas qu'avant tout, l'Aïd est la fête du partage, au-delà de la bonne cuisine et du «bouzalouf...».
Après avoir choisi le mouton presque parfait, l'heure est aux préparatifs pour un Aïd parfait! En effet, les agencements de l'Aïd El Adha ne s'arrêtent pas à l'achat du mouton. Bien au contraire, il s'ensuit tout un «rite» qui pour les Algériens fait le charme de cette fête religieuse. D'ailleurs, des petits métiers de l'Aïd El Adha sont apparus pour répondre à ces exigences. La première d'entre elles est d'avoir des couteaux bien aiguisés pour cette matinée...des longs couteaux. L'Aïd est l'occasion pour les Algériens de faire un petit une lifting à leurs couteaux afin d'égorger le mouton sans le faire souffrir. On trouve des professionnels de ce métier sinistré qui passe de père en fils. Mais, ils sont en voie de disparition. Cependant, on trouve beaucoup de jeunes qui en font un métier du dimanche ou plutôt de l'Aïd! Dans les marchés ou dans les quartiers populaires, vous avez dû remarquer les remouleurs. Ce sont souvent des jeunes qui traînent une table «de torture» avec deux disques et qui proposent de donner une nouvelle vie à vos couteaux pour quelques dinars (entre 50 et 150 DA). De longues files d'attentes se forment devant ces tables, les citoyens attendent impatiemment de passer cette fatidique étape pour s'occuper du reste. Car, il ne faut pas se leurrer, la liste est encore longue. Après avoir bien «taillé» ses couteaux, il faut chercher le reste des ustensiles pour réussir son sacrifice. C'est ainsi que dans les quincailleries où aux abords des routes, on peut trouver le matériel du parfait... éventreur. Cordes bien ficelées, crochets de boucherie pour accrocher le mouton, et petite pompe à vélo pour gonfler le mouton au moment du dépeçage au lieu de le faire avec son propre souffle. En parlant de pompe, dans certains quartiers, les voisins s'organisent entre eux avec le voisin qui dispose d'un compresseur. Une liste est établie pour que chacun puisse l'avoir à son tour. Une solidarité bien de chez nous qui représente parfaitement les valeurs de l'Aïd.
Quand on a tout préparé pour le sacrifice, il faut trouver qui égorgera le mouton. Chez ceux qui le font eux-mêmes ou ont un proche pour le faire, le problème ne se pose pas. Mais certaines personnes rebutent l'acte du sacrifice, ne supportant pas la vue du sang, ou par peur de faire souffrir la bête... Ajouté à cela la mutation qu'a connue la société algérienne ces dernières années, ce qui fait qu'il est devenu rare de trouver un grand-oncle ou un bon voisin pour le sacrifice du mouton. Alors que celui-ci se faisait en communion avec la grande famille ou les voisins. Désormais, c'est «chacun pour soi et Dieu pour tous». Même si on ne peut pas généraliser cette situation, elle crée tout de même des «listes d'attente» au niveau des abattoirs! Il faut aller donc s'inscrire à l'avance pour espérer que notre mouton passe sous le couteau. Dans le cas contraire, il est impératif d'avoir du piston pour que l'on vous file le numéro de téléphone d' un égorgeur de... moutons bien sûr, même si vous allez passer sous son couteau avec le prix qu'il vous donnera. Entre 1000 et 2500 dinars pour égorger et dépecer un mouton. Ces prix sont en plus conditionnés par le fait de trouver son «Jack l'éventreur», chose pas du tout aisée vu que la demande dépasse largement l'offre.
Après le sacrifice, place au plaisir! Dans cette fête, le plaisir est de déguster la bonne viande de mouton en famille. Même cette étape est préparée à l'avance avec l'achat du charbon, des petits barbecues, et des tiges pour les brochettes qu'aiment consommer les Algériens le deuxième jour de l'Aïd. Ils sont généralement vendus dans les quincailleries chez qui on les trouve toute l'année. Cependant, pendant l'Aïd, on les trouve même dans les magasins d'alimentation générale, les bureaux de tabac... Sinon, des petits jeunes nous les proposent sur les routes ou à proximité de l'endroit où nous avons acheté notre mouton. Ceux qui disposent déjà de leurs barbecues, se contentent de le nettoyer et d'acheter les tiges et le charbon. Pendant ce temps, on s'organise à la maison où l'on sent l'atmosphère de l'Aïd qui plane entre la préparation des petits fours, l'achat de nouveaux vêtements et celui des cadeaux. Petits et grands sont mis à contribution. On ressent déjà les joies de l'Aïd et l'on se démène pour que tout soit nickel. Néanmoins, les Algériens n'oublient pas qu'avant tout, l'Aïd est la fête du partage. Ils «planifient» à l'avance comment sera partagé leur mouton. Car, comme chacun le sait, une fois le sacrifice effectué, la bête doit être divisée en trois parties: une pour soi et sa famille, une pour les démunis et une pour les proches (amis, voisins...). Le sens de l'Aïd prend alors tout son sens au-delà de la bonne cuisine et du «bouzalouf...». «Alors, Saha Aïdkoum à tous!»


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