Après la confirmation du retrait philippin, c'est la Thaïlande qui annonce le départ progressif de ses troupes en Irak. Les coups de boutoir du groupe Tawhid wal Jihad d'Abou Moussab Al Zarqaoui, présumé allié d'Al Qaîda, et d'un autre groupe qui se revendique être «l'Armée islamique en Irak», qui ont fait du kidnapping une arme de dissuasion, semblent commencer à effriter «l'union» sacrée autour de la coalition menée par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. En effet, les prises d'otages, les assassinats, par décapitation, ont eu plus de résultats sur les alliés des Etats-Unis que les pressions «amicales» et bien intentionnées de Washington. De fait, la multiplication des kidnappings de membres des forces multinationales, souvent leur assassinat -cela a été le cas cette semaine de l'un des deux otages bulgares, alors que Sofia reste sans nouvelles du sort de son collègue - a fini par déstabiliser les pays participants à la «pacification» ou à la «sécurisation» de l'Irak. Mis au pied du mur par une population et une opposition de moins en moins prédisposées à accepter que la vie de leurs nationaux soit prise en otage et mise en danger, de nombreux gouvernements envisagent ainsi, sinon de mettre fin à leur présence, du moins à ne pas renouveler leur mission en Irak au terme de l'accord contractuel avec la coalition. C'est le cas notamment de la Thaïlande qui a commencé à retirer ses troupes comme l'a annoncé hier le ministre thaïlandais de la Défense, Chettha Tanajaro. Ce dernier a déclaré hier à la presse que la Thaïlande a commencé le retrait de ses troupes, indiquant: «Nous sommes heureux de rapatrier nos hommes sains et saufs et malgré cela nous avons accompli notre mission, ce qui est mieux.» Il précisa «Nous avons commencé les procédures de retrait qui prendront 82 jours et j'attends que notre dernier soldat rentre à la maison le 20 septembre» ajoutant en direction des journalistes: «Vous pouvez faire vous-même le calcul.» Ce qui implique que le retrait avait débuté le 1er juillet. Pourtant, quelques jours plus tôt, profitant de son séjour à Bangkok, dans le cadre de la conférence internationale sur le sida, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, avait demandé au Premier ministre thaïlandais, Thaksin Shinawatra, de prolonger le séjour de ses soldats en Irak au-delà de leur mission d'un an. A l'évidence, Bangkok avait déjà pris la décision de rappeler son contingent de 470 soldats au terme de sa mission. Manille qui a également annoncé hier officiellement le retrait de ses troupes (51 hommes au total) cédant ainsi, selon Washington, aux menaces des preneurs d'otages. De fait, l'otage philippin n'a pas encore été libéré, mais il existe de fortes chances qu'il le soit dans les prochains jours. Il est en vie et a pu prendre contact avec sa famille, remerciant ainsi la présidente philippine, Gloria Arroyo pour sa décision de «retirer les forces philippines d'Irak (et) l'implore de s'en tenir à cette décision et de l'appliquer». Hier, dans une déclaration à la presse, le secrétaire philippin aux Affaires étrangères, Delia Albert, avait indiqué: «Le gouvernement de Manille a rappelé le chef du contingent humanitaire philippin en Irak qui quittera le pays aujourd'hui (hier) avec dix autres de ses membres», ajoutant: «Le reste du contingent quittera l'Irak bientôt.» Il est évident que la décision de Manille a beaucoup irrité les Etats-Unis qui ont réagi par des déclarations du porte-parole de la Maison-Blanche, Scott McClellan, et du secrétaire d'Etat, Colin Powell. Le premier indiqua à la presse que «c'est décevant de voir une décision qui envoie un mauvais message aux terroristes», alors que M.Powell constate: «Certains pays ont estimé nécessaire, pour une raison ou pour une autre, de ne pas prolonger la présence de leurs troupes ou de les retirer», faisant allusion aux Philippines et à la Thaïlande, ajoutant toutefois: «Nous avons la chance d'avoir des partenaires au sein de la coalition qui, pour n'en nommer que deux, la Corée du Sud et la Bulgarie, ne vacillent pas, bien qu'ils soient fortement mis à l'épreuve par les enlèvements et des décapitations». En effet, malgré la mort de leurs ressortissants, enlevés et décapités, Séoul et Sofia, ont renouvelé leur engagement en Irak. Toutefois, il est patent que les Etats-Unis ne parviennent pas à maintenir la cohésion parmi leurs partenaires de la force multinationale. Ainsi, des fissures apparaissent dans un unanimisme qui n'était en réalité qu'apparent. De fait, beaucoup de pays membres des forces multinationales ont dû céder aux fortes pressions exercées sur eux par Washington, les amenant à accepter de s'engager en Irak. Les enlèvements de membres de ces forces multinationales ne sont en fait qu'une autre forme de pression, grossière certes, de la part des opposants à la présence de la coalition. Trois pays dans le sillage du départ de l'Espagne au printemps dernier, (la République dominicaine, le Nicaragua et le Honduras) ont déjà quitté l'Irak. Selon un décompte du Washington Post, quatre autres pays (Thaïlande, Norvège, Estonie et Nouvelle Zélande) sont en train de se retirer ou s'apprêteraient à le faire incessamment. Avec les Philippines, qui ont annoncé leur départ hier, cela fait, ou va faire, neuf pays qui ont fait, ou vont faire, défection à la coalition. Il ne pouvait en être autrement du fait que le problème du retour à la paix et à la sécurité en Irak, restera entier tant que demeurera l'ambiguïté sur la présence et les prérogatives américaines et britanniques dans ce pays.