«La condition humaine» en référence à André Malraux, mais pas que cela est l'intitulé de cette expo qui se tient jusqu'au 20 novembre. C'est jeudi dernier que s'est ouverte la cinquième édition du Festival national de la photographie d'art au Musée d'art moderne et contemporain d'Alger. Premier coup d'oeil et première impression? Il y a du tout, de l'image dite conceptuelle, de la couleur, du noir et blanc, du misérabilisme, des paysages, des portraits, des situations de la vie anodine entre rire et joie, mais un peu de poésie quand même, enfin, par moment pour sauver les meubles mais point d'audace dans les traitements des sujets, encore moins dans les sujets eux-mêmes! Notre plus grand regret. Pour le reste...on sent bien une forte dichotomie entre la vraie réflexion, le travail esthétique de certains et l' amateurisme flagrant d'autres même si la technique y est présente, confortablement. Pour Rafik Zaidi le commissaire de l'expo «il y a deux nouveautés pour cette édition. Un appel ouvert donc tout le monde pouvait participer. C'est ce qui a fait qu'on a pu découvrir des photographes au niveau national qu'on ne connaissait pas du tout. La deuxième nouveauté est que le Fespa invite une expo. Cette année c'est la résidence de Toudja qui s'est tenue l'année dernière, que j'ai moi-même organisée et dont le vernissage aura lieu le 11 octobre à partir de 15h, à la galerie Esma de Riad El Feth. Le premier critère de sélection pour cette expo au Mama, était l'image qui devait être parfaite. Qu'elle soit prise correctement au niveau technique, au niveau composition ou lumière. Après ça, il y a eu le sujet. Car la thématique était libre. Il fallait voir la richesse du sujet raconté par l'image. Je me suis donné aussi un fil conducteur pour toutes les photos. Il s'agit de la représentation humaine. L'homme dans la société. Notre regard en tant que photographe sur notre société c'est à peu près ça qui a défini un peu le titre de l'expo qui est «La condition humaine». En tout, ce sont donc 21 photographes qui ont pris part à cette expo, dont une photo illustre la couverture du catalogue et que l'on retrouve tout le long du mur du rez-de chaussée du Mama. Il s'agit de «In between» de Atef Berredjem qui a illustré sa vision du monde uniformisé par cette représentation humaine froide, mettant en scène plusieurs hommes, debout côte à côte, dans une posture figée, sans trop d'expression sur le visage. La particularité de cette photo réside dans la façon qu'a eue l'artiste à traiter la couleur de la peau de ces hommes en jouant sur la matière grise et leur dégradé, une façon de dénoncer le racisme et la dictature et le pouvoir des races qui priment encore dans le monde. «Se basant ainsi, le principe de l'échelle des valeurs en chromatologie, j'ai réalisé les dégradés en gris coloré et j'ai peint les personnes. J'ai mis les dix degrés de gris entre le noir(à gauche un Malien qu'on appelle Black) et le Blanc à droite (homme blanc) pour montrer que le gris foncé est plus noir et le gris clair est plus blanc que le blond et du coup l'appellation de races blanche et noire est scientifiquement fausse et arbitraire» nous a-t-il expliqué. Dans un autre registre les photos de Amar Bourras qui nous revient fraîchement avec une installation photo des plus remarquables. L'artiste a bien su illustrer son idée laquelle s'est évertuée à souligner en images le concept «de frontière et des fronts, comme illustration des limites et des lignes entre les individus et l'autre, l'étranger, la mort et la vérité». Aussi, ses images qui expriment le néant où les déchets nucléaires dans le Sahara par exemple sont tous fragmentés en infiniment petits telles des particules qui desservent encore plus l'humain et le conduisent à sa perte, sa désintégration. Un travail minimaliste, pointu à saluer. Car l'on sent le labeur technique, conjugué à la pensée combinée, qui en a découlé. Dans un autre répertoire, plus ronflant, d'autres photos ont tenté de cerner la psychologie humaine sans trop y arriver telles ses images naïves de Achir Daouya Feriel, de flirter avec les couleurs à l'image du bleu à l'instar de Fourar Bachir, de nous restituer l'environnement des habitants de l'Afrique de l'Ouest comme Garni Rafik ou encore Constantine comme Ghazel Djamel. Certains plus fantaisiste se sont plus à jouer en créant des univers ludiques ou «sensuels», sans trop y arriver. Pour le second cas tant le déjà-vu prime sur l'originalité et le kitch sur la rêverie. On pense bien évidement à Sediki Louisa. En outre, les photos de Halim Zenati ont tenté de restituer le vécu ordinaire, mais néanmoins très difficile des Roms en France. Des photos qui se reprochent, plus, dirions-nous d'après notre perception du reportage que de la photo d'art. Du reste, finalement ce sont les photos en noir et blanc de Sid Ahmed Semiane (qui a signé aussi la préface du catalogue) et dans un degré moindre celles de Rafik Laggoune qui ont insufflé un peu plus de vie et de profondeur paradoxalement à cette expo malgré leur côté terne, en noir et blanc, et pourtant leur force résidait justement dans l'aura mélancolique qui se dégageait de leurs photos, tant celles-ci sont à prendre avec du recul. De la lecture, en somme nous était proposée et non pas de façon brute comme pour d'autres qui se regardent et sortent d'emblée de la mémoire aussitôt contemplées ou examinées. Tout de même l'expo est à visiter en toute urgence.