Les territoires palestiniens qui ont vécu quarante-huit heures terribles sans doute auront des conséquences dans un proche avenir. Vendredi et hier, les territoires palestiniens occupés ont été le théâtre d'une série d'enlèvements de responsables sécuritaires palestiniens et quatre Français, activant dans le cadre de l'association «Evry-Palestine» et «Electriciens sans frontières» venus pour aider le peuple palestinien. Ainsi deux hauts responsables, le chef de la police, le général Ghazi Jabali, et le colonel Khaled Abou Oula, un des responsables de la commission de liaison avec l'armée israélienne, ont été enlevés vendredi et libérés quelques heures plus tard. Il en a été de même des quatre Français relâchés le jour même sans être maltraités. Mais cela aura suffi à secouer l'apathie d'une Autorité palestinienne semblant bien dépassée par les événements. Ces enlèvements en série ont été revendiqués, notamment, par une branche se réclamant du Fatah, la Brigade des martyrs d'Al Aqsa, qui accuse les officiers supérieurs enlevés d'être «les symboles de la corruption». La Brigade des martyrs d'Al Aqsa indique dans un message au président de l'Autorité palestinienne : «Nous appelons la direction à limoger tous les symboles de la corruption qui siègent toujours à la tête de nombreux postes de responsabilité», exhortant «les responsables honnêtes à assumer leurs responsabilités et à démissionner si la direction continue d'ignorer cette demande». C'est la plus grave crise de confiance que connaît le premier responsable palestinien depuis sa prise de pouvoir à la tête de l'Autorité autonome palestinienne. Mis au pied du mur, le président Yasser Arafat, dont nombreux sont les critiques qui lui reprochent son inertie et le peu de résultats des réformes engagées ces dernières années, a dû sortir de son inaction pour agir. De fait, dans la foulée de ces évènements et en en tirant les conséquences, le Premier ministre palestinien, Ahmed Qorei, avait présenté hier sa démission au président Arafat qui l'a aussitôt rejeté. Il en a été de même pour deux hauts responsables des services de sécurité, le général Amin Hindi, chef des services de renseignement, et Rachid Abou Chbek, chef de la sécurité préventive qui avaient démissionné vendredi, indiquant que «la situation est devenue intolérable après ce qui s'est passé durant la journée (la série d'enlèvements)». Hier, Ahmed Qorei a convoqué son cabinet à Ramallah dans une réunion d'urgence. Un membre du gouvernement palestinien, Qadoura Farès, a ainsi estimé que «la situation est critique et le gouvernement va devoir prouver qu'il est capable d'agir». C'est justement ce manque d'action des Palestiniens qui est mis en exergue, notamment, pas plus tard que mardi dernier, par l'envoyé spécial des Nations unies au Proche-Orient M.Roed-Larsen qui a affirmé au Conseil de sécurité que la situation dans les territoires palestiniens «tourne progressivement au chaos» et que M.Arafat affiche «un manque de volonté politique» flagrant pour réformer le gouvernement, ouvrant ainsi une crise sans précédent entre l'ONU et l'Autorité palestinienne, au point que M.Roed-Larsen est déclaré «persona non grata» dans les territoires. Agissant dans l'urgence, le président Arafat a pris hier les premières mesures en ramenant le nombre des services de sécurité, qui était pléthorique, de huit à trois, et en nommant un nouveau responsable des services de sécurité, le général Saèb Al Ajez, à la place du général Ghazi Jabali, enlevé vendredi, et limogé après avoir été accusé de corruption. Toutefois, ce réaménagement risque de rester insuffisant et que l'Autorité palestinienne doit, d'une manière ou d'une autre, s'attaquer aux racines du mal qui l'empêche de jouer son rôle de catalyseur du peuplent palestinien et d'interlocuteur, irremplaçable, des Israéliens et des Américains notamment. Il semble bien que M.Arafat se trouve aujourd'hui face à des choix, certes difficiles, y compris celui de démissionner le cas échéant, pour rendre son crédit à l'Autorité palestinienne et lui redonner son statut de force incontournable dans toute solution du conflit israélo-palestinien. La crise ouverte est suffisamment grave en effet pour que Yasser Arafat, qui n'a pas d'autre alternative, agisse enfin afin de clarifier la donne intérieure palestinienne qui a progressivement sombré dans l'incohérence.