Le flux de rentrées financières en deux ans a permis de développer un appétit militaire que les progrès politiques ne suivent pas. Plus qu'une stabilité politique qui ira jusqu'au terme du second mandat du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, c'est surtout l'embellie financière qui permet aujourd'hui à l'Algérie d'acquérir un nouvel armement militaire pour, d'un côté, moderniser ses équipements, et d'un autre côté, «dépasser» son ancien armement militaire de fabrication soviétique et largement suranné aujourd'hui. Jusqu'en 2000, il était du dernier bien de refuser à l'Algérie l'acquisition d'armement militaire moderne. La décennie 1990-2000 avait largement mis l'Algérie à l'index des pays «non fréquentables» et avait, de ce fait, justifié son isolement sur le plan des achats des équipements militaires, malgré son importance stratégique, alors que des pays comme le Maroc, l'Arabie saoudite ou le Koweït achetaient ce qu'il y avait de mieux sur le marché. Les événements du 11 septembre 2001 ont été une véritable bénédiction pour l'Algérie, qui non seulement trouva son implacable lutte contre le terrorisme islamiste renforcée, mais aussi se vanta même d'avoir reçu les hommages et les appuis «prononcés» de la part de l'administration Bush. Cette brusque et suspecte compromission ne travaillait en fait que pour le compte des Américains, dont l'engouement pour l'Algérie était à la démesure de leur panique face à l'hyperterrorisme qui venait de les écraser, de les humilier sur le sol même américain. Les soupçons qui ont accompagné le périple du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc) au Mali, au Niger puis au Tchad, et les possibles alliances contractées avec des «cellules sahélo-maghrébines» d'Al Qaîda, ont convaincu les Etats-Unis d'investir les régions du Sahel et du Sahara, avec, en prime, une grosse aide financière pour les pays de la bande nord du Sahel et l'octroi d'un matériel militaire de surveillance-drones, satellite, avions de reconnaissance à vision nocturne, détecteurs de chaleur, etc. L'Algérie a multiplié les contacts militaires avec l'Otan et les pays occidentaux. Depuis la visite du président de la République au siège bruxellois de l'Otan, l'ANP a pu, petit à petit, retrouver un certain crédit aux yeux des puissances occidentales. Plusieurs manoeuvres militaires ont eu lieu dans la Méditerranée où la marine algérienne, dirigée par le général-major Dadsi Benslimani, a eu à s'exercer et s'entraîner avec des flottilles de l'Otan, de l'Italie, etc. Pendant que l'aviation militaire, dirigée par le général-major Mohamed Benslimani, multipliait les missions humanitaires et de sauvetage. Lors des grandes calamités qui ont touché le pays (inondations de Bab El Oued en 2002 et tremblement de terre de 2003) l'armée a donné la pleine mesure de ses ambitions de devenir une armée sans faille. En fait, l'image que l'ANP voulait faire ressortir est la suivante : une institution pacifique, monolithique, qui ne fait plus et défait le gouvernement, qui ne fait plus de politique, mais qui est là quand il le faut et qui est assez forte pour postuler à un rôle dans la région sous l'égide de l'Otan. D'ailleurs, c'est ce qu'ont dit ouvertement plusieurs officiers supérieurs de l'ANP et c'est ce qu'avait, «laissé espérer» Washington en appuyant l'Algérie dans les réunions de travail internationales. Les responsables de la sécurité intérieure américaine ont, à maintes reprises, fait l'éloge de l'Algérie pour la qualité de sa coopération en matière de renseignement notamment. Mais attention, la compromission a ses limites : l'Amérique affiche clairement ses choix maghrébins en matière de coopération militaire, en faisant du Maroc son allié permanent et stratégique et ne permet à l'Algérie que l'acquisition d'un matériel «moyen» ne constituant aucune menace régionale. Pire, à chaque fois qu'un bateau de la marine marchande algérienne passe par les côtes ouest du Pacifique, il est automatiquement fouillé par les gardes-côtes américains, et à chaque fois que le dossier de la recherche nucléaire en Algérie et les risques de sa propagation est sorti, Alger sait à quoi s'en tenir concernant les sources de ce harcèlement... Qu'à cela ne tienne : l'ANP entend mener la professionnalisation de ses structures à terme et dépasser les pesanteurs nées d'une décennie de lutte contre-insurrectionnelle qui l'a gravement entaché. Et cela passe nécessairement par un renouvellement de ses équipements militaires et celui de son commandement.