Trois ans après la révolution qui a mis fin au régime de Ben Ali et une transition tumultueuse, les Tunisiens sont appelés aux urnes aujourd'hui pour élire leur Parlement. Les Tunisiens vont-ils tourner le dos au parti islamiste d'Ennahda? Y aura-t-il un fort taux de participation? Les élections vont-elles se dérouler dans le calme, sans fraude? Ce sont autant de questionnements qui se résument dans l'interrogation: où va la Tunisie? Les caméras du monde seront braquées dès aujourd'hui sur cette partie de l'Afrique du Nord qui attendra son destin des urnes. Le bal des législatives s'ouvre pour mettre les Tunisiens face à leur destin. Ce sera le deuxième scrutin libre et démocratique depuis la chute du régime de l'ancien président Zine El Abidine Ben Ali. Les Tunisiens iront aux urnes pour élire leur Parlement. Seulement, beaucoup d'entre eux - à moins d'un changement d'avis de dernière minute comme c'est propre aux Tunisiens - ne se déplaceront pas, selon les avis recueillis auprès des citoyens. Du coup, le parti qui aura le plus de voix lors de ce scrutin sera sans doute celui des abstentionnistes. Autrement dit, le nombre élevé de candidatures (1300 listes pour plus de 13.000 candidtas) risque de se traduire par un éparpillement des voix et des tractations seront probablement au rendez-vous pour former une majorité parlementaire. 5,2 millions d'électeurs sont appelés aux urnes pour élire 217 députés dans 33 circonscriptions (dont six à l'étranger), un mois avant la présidentielle, le 23 novembre. Le parti islamiste Ennahda, déjà vainqueur des élections pour l'Assemblée constituante (ANC) en novembre 2011 avec 90 des 217 sièges, part en position de force. En face, l'opposition est moins émiettée qu'il y a trois ans. Le parti Nidaa Tounès fondé autour de Béji Caïd Essebsi, un vétéran de 87 ans qui a servi sous tous les régimes de la Tunisie indépendante, devrait attirer une large partie des opposants au parti islamiste En dépit de la forte mobilisation des partis tout au long de la campagne électorale à travers les images, vidéos, slogans, affiches, affichettes, interviews, débats télévisés, meetings, pour mobiliser leurs troupes et séduire les indécis, ces derniers n'étaient guère mobilisés et peu passionnés par une campagne atone. Par faute d'idées et de propositions séduisantes, les partis en course n'avaient d'autres choix que de jouer l'émotion pour convaincre, faire appel à la religion ou même intimider ou essayer de faire peur. Bref, chacun se présente non pas comme le meilleur, mais comme «le moindre mal». Au final, une conviction partagée par tous se dégage: aucun parti n'est en mesure d'obtenir la majorité absolue et ne pourra donc gouverner seul durant les cinq prochaines années. Au risque de se voir éliminés, certains, prônent un gouvernement de consensus, histoire d'avoir une participation au pouvoir. Même si plusieurs partis optent pour cette idée, il est clair que le pays est et restera divisé, politiquement parlant. De ce fait, un gouvernement de consensus ne sera nullement efficace, ni en mesure de résoudre les problèmes graves que vit le pays. Il va sans dire que si le consensus fonctionne, il faut, avant tout que les participants aient le même poids et devraient établir une confiance mutuelle. Ce n'est, visiblement pas le cas. Car les islamistes ont leur projet de société qui veut, à terme, instaurer un califat alors que plusieurs autres partis - qu'ils soient libéraux ou socialistes - en proposent un autre, moderniste, progressiste avec une Tunisie forte, indépendante et souveraine. Aux élections d'octobre 2011, on avait enregistré un fort taux d'abstention du côté des inscrits sur les listes électorales et aussi des votants. Aujourd'hui, le nombre de listes est aussi pléthorique (1.300). Le risque d'éparpillement des voix est encore présent. Certains plaident d'ailleurs pour la dispersion des voix, brandissant le danger de la dictature si un seul parti obtient la majorité absolue. Cet appel provient de petits partis ou de listes d'indépendants rêvant d'un siège au futur Parlement. Ce faisant, ils démontrent que le sort de la Tunisie leur importe peu et ils n'ont que leur petite ambition personnelle en tête. Tout cela sur fond d'instabilité sécuritaire, comme l'a encore montré, vendredi, l'action de djihadistes contre des policiers tunisiens, qui s'est conclu par la mort de six présumés terroristes dont cinq femmes. De fait, la Tunisie, qui fait donc face à l'insécurité, doit dans le même temps remettre sur pied une économie au plus mal qui nécessite des décisions graves et urgentes. En quasi-Etat d'urgence, la Tunisie est suspendue aux résultats de législatives desquelles le pays pourrait être remis sur le bon chemin.