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"Il sera difficile de dégager une majorité cohérente et stable"
Larbi Chouikha, politologue tunisien, à "Liberté"
Publié dans Liberté le 06 - 10 - 2019

Les élections législatives, estime le politologue Larbi Chouikha, vont confirmer la tendance de désaffection des électeurs vis-à-vis de la classe politique traditionnelle. Pour lui, ce scrutin va favoriser l'émergence de nouvelles sensibilités politiques.
Liberté : Les Tunisiens sont appelés à l'urne demain pour élire leurs députés. Quels sont les enjeux de ces élections législatives ?
Larbi Chouikha : Ils sont d'abord d'ordre politique. Ces élections législatives tendent à reconfigurer le paysage politique en Tunisie, à l'image de ce qu'on a déjà connu lors du premier tour de l'élection présidentielle. L'on va assister probablement à l'apparition de nouvelles figures et de nouveaux blocs parlementaires mais toute la question est de savoir : quel sera le futur rapport de force entre ces blocs et ces nouveaux élus ? Autrement dit, seront-ils capables de constituer une majorité parlementaire ? Il y a aussi des enjeux liés à des ambitions personnelles. Plusieurs candidats semblent davantage être motivés par les profits matériels et/ou financiers liés à la fonction.
Pour d'autres, à l'instar de certains hommes d'affaires peu scrupuleux, la quête d'une immunité parlementaire durant la durée de leur mandat constitue pour eux leur principal, si ce n'est, leur seul souci. Nous voyons donc que les enjeux sont multiples et variés, collectifs ou individuels. D'ailleurs, dans cette compétition électorale très ouverte, le but recherché par certains candidats à la députation se limite à l'obtention d'avantages matériels et sont de nature attachés à l'exercice d'un mandat électoral, ainsi qu'à l'accès à l'immunité parlementaire. C'est bien plus une logique de prébende que la défense d'une cause et/ou d'un projet sociétal qui explique l'engagement électoral pour certains.
Toutefois, le plus préoccupant, c'est ce qu'il en sortira de l'issue de ces élections ? Nous pouvons voir émerger, soit une force ou un bloc parlementaire dominant à même de pouvoir s'ériger sur une majorité parlementaire confortable et par la suite, de permettre à un gouvernement cohérent de voir le jour (?), soit à un émiettement et un foisonnement de petits groupes. Et dans ce cas précisément, la question de pouvoir dégager une majorité parlementaire cohérente et stable se posera avec acuité. Le risque de re-convoquer les électeurs pour une législative anticipée dans trois mois peut logiquement se produire si aucune majorité parlementaire n'a pu se dégager.
Ce risque m'inquiète sérieusement au regard de la physionomie des candidats en lice à ces élections. Le scrutin demeure donc marqué par des incertitudes et des imprévisibilités. Celui-ci peut déboucher soit sur une recomposition du paysage politique avec l'émergence de nouvelles élites politiques totalement différentes de celles qui ont été promues juste après le 14 janvier 2011, ou soit sur une fragmentation, voire un émiettement autour des intérêts particularistes avec le risque pesant d'une instabilité politique.
Ce scrutin intervient dans un contexte particulier. Les élections se déroulent entre les deux tours de l'élection présidentielle. Quel impact pourra avoir ce contexte sur les résultats ?
Ces élections législatives qui interviennent entre les deux tours de l'élection présidentielle seront à mon sens largement conditionnées par les résultats du premier tour de la présidentielle. Les résultats obtenus au premier tour du scrutin présidentiel ont surpris beaucoup de Tunisiens. Je pense que nous allons vraisemblablement connaître la même configuration observée au premier tour de la présidentielle.
À l'instar de ce que nous avons connu à la dernière présidentielle, il est très probable que les listes des candidats qui occuperont les premiers rangs ne proviendraient pas des partis traditionnels qui occupent la scène politique depuis 2011. Je pense que la tendance va vers une mutation politique avec l'avènement de nouvelles sensibilités, de nouveaux courants politiques, de nouveaux profils de candidats totalement différents de ce que nous avions connus depuis le déclenchement de la "Révolution".
Mais toute la question étant de savoir si ces nouvelles figures et "forces" politiques pourront s'entendre pour dégager ensemble une majorité parlementaire confortable. Sont-elles porteuses de projets novateurs, pragmatiques et réalistes et surtout, sont-elles en mesure de convenir ensemble sur un gouvernement cohérent, formé de compétences qui connaissent déjà les dossiers, en conscience des risques qui découlent de la fragilité du processus politique en cours, sont-elles en mesure de rétablir la confiance entre les gouvernants et les gouvernés et qui maîtrisent les règles de la "bonne gouvernance" ?
Pensez-vous, dans ce contexte, que le taux de participation faible aux élections de 2014 risque de se répéter ?
Je m'attends personnellement à une participation relativement faible et ceci pour deux raisons. D'une part, on constate qu'il y une véritable désaffection des Tunisiens par rapport à la politique de manière générale et plus précisément de la politique telle qu'elle est suivie par "la classe politique", confondue depuis la date du déclenchement de la "Révolution". Et d'autre part, il faut savoir qu'il y a aujourd'hui beaucoup d'électeurs tunisiens qui ne se reconnaissent ni dans les figures politiques traditionnelles ni dans les figures émergeantes en ce moment.
Le Parlement, depuis la Constitution de 2014, reste l'un des instruments les plus importants dans l'exercice du pouvoir en Tunisie. Cela explique-t-il d'après vous le nombre important des candidats qui se sont lancés dans cette compétition ?
Le Parlement, au regard de la Constitution actuelle, demeure en effet l'instrument le plus important des institutions de la République tunisienne. Nous sommes dans un régime semi- parlementaire et les décisions importantes telles que le vote de confiance ou de défiance du gouvernement, l'adoption des lois,… passent nécessairement par l'Assemblée des représentants du peuple (Parlement).
Ce dernier reste un instrument incontournable dans l'échiquier politique. Et aucun président de la République ne peut introduire des amendements constitutionnels, faire passer des lois ou provoquer des référendums s'il ne dispose pas au préalable d'une majorité parlementaire confortable. C'est vous dire le poids du Parlement en Tunisie.
Qu'est-ce qui explique le nombre important des candidats ?
En effet, il y a plus de 1 500 listes concurrentes regroupant plus de 15 000 candidats qui sont en lice pour les 217 sièges que compte le Parlement. Plusieurs raisons expliquent cette multitude de candidature à mon sens : le Code électoral, lui-même à propos du dépôt et de l'acceptation des candidatures aux législatives, est jugé laxiste. Il suffit de remplir les conditions prévues par la loi électorale (Chap III) pour se porter candidat.
Par conséquent, vous avez trois catégories de listes en compétition : les listes dites indépendantes, souvent les plus importantes en nombre (plus de 700), les listes partisanes (650) et les listes de coalitions formées de représentants de partis ou d'indépendants (160). Bien évidemment, toute la question est : qu'est-ce qu'on entend par "indépendant" car, une fois élu, il n'est pas rare de voir un député "indépendant" se ranger dans un des blocs parlementaires existants, car "le tourisme politique" est non seulement autorisé légalement, mais même fréquent, ce qui peut constituer une source d'instabilité politique.
D'autre part, aucun seuil électoral n'est fixé par la loi, et les chances de succès sont grandes pour une liste, surtout la tête de liste, de se faire élire pour peu qu'il dispose de bons soutiens dans sa circonscription et peut aussi profiter des faveurs du mode du scrutin basé sur "le plus fort reste". Les motivations sont donc très disparates. Il existe des candidats qui se présentent au nom de leurs formations politiques ; ils ont une référence politico-idéologique et défendent des programmes et il y a ceux qui se classent derrière des listes dites indépendantes, celles-ci peuvent être porteuses de projets et de programmes, mais elles peuvent aussi se constituer autour d'intérêts particularistes, régionalistes, familialistes ou corporatistes.
La mouvance islamiste, incarnée par Ennahda notamment, a beaucoup perdu de son électorat depuis le dernier scrutin législatif. Quelles en sont les raisons ?
La mouvance islamiste a en effet beaucoup perdu de son électorat. Les résultats des élections législatives de 2014 et ceux, plus récents, des élections municipales de 2018, le démontrent de manière tout à fait claire. Je pense que ce recul devra encore une fois se confirmer aux législatives d'aujourd'hui. Toutefois, ce mouvement ne devrait pas connaître l'érosion telle que nous l'observons ailleurs, chez les formations traditionnelles qui ont occupé la scène politique depuis 2011. Ennahda est traversé par des dissensions internes mais il dispose toujours d'un relatif ancrage au sein de la société ; ancrage, qui est, cependant, en train de se réduire comme une peau de chagrin.
À quoi est dû, selon vous, ce recul?
Il est dû à plusieurs raisons. D'abord, Ennahda fait partie des formations politiques dites classiques qui ont gouverné le pays. Par conséquent, il paie, comme les autres formations, la facture des échecs successifs des politiques suivies depuis 2011. Il n'échappe pas, de ce fait, à la désaffection des électeurs tunisiens vis-à-vis des partis politiques traditionnels. Rappelez-vous qu'en 2014, avec Nida Tounes, parti créé par l'ex-président Béji Caïd Essebssi (décédé le 25 juillet 2019), Ennahda a scellé une alliance de gouvernement appelée "Ettawafouk" (consensus) pour gérer les affaires du pays.
Ils ont échoué à convaincre. Les Tunisiens les tiennent aujourd'hui responsables de la situation peu reluisante du pays, particulièrement au plan socioéconomique où la situation ne cesse de se détériorer. D'ailleurs, l'échec de cette politique d'"Ettawafouk" a fini par favoriser l'émergence de nouvelles formations dont le discours est, aujourd'hui, beaucoup plus radical que celui que propage et défend Ennahda.
Les partis modernistes ne font pas mieux…
Le camp des modernistes et des progressistes est le plus secoué aujourd'hui par cette déconfiture qui frappe "la classe politique" des années 2014. Les démocrates et les progressistes, à commencer par la gauche tunisienne, traversent des crises structurelles récurrentes. S'ajoute à cela les crises d'identité et de leadership qui ont pratiquement touché tous les partis se réclamant de cette sensibilité.
Le parti du défunt président Essebssi, Nida Tounès, en pleine érosion aujourd'hui tout comme l'ensemble de la famille politique "centriste", sont à ce titre un exemple éclatant. Il en est de même pour le Front populaire, principal creuset des courants de la gauche tunisienne, qui s'est scindé en deux formations concurrentes. Tout porte à croire que le scrutin de ce dimanche (aujourd'hui) devrait confirmer ce déclin.
Ce contexte n'a-t-il pas finalement favorisé la montée du "populisme" ?
La nature a horreur du vide. Les modernistes et les conservateurs islamistes qui ont perdu beaucoup de terrain, ont favorisé l'apparition de groupes et de figures qu'on qualifie aujourd'hui en Tunisie de "populistes". Ce terme mérite toutefois d'être affiné et corroboré. Mais nous pouvons affirmer que ceux qui s'en réclament, tant dans les listes de coalition ou indépendantes, ils tiennent un discours radical qui s'articule autour des thèmes comme la lutte contre la corruption, la souveraineté nationale ou la justice sociale, la justice transitionnelle….
Pour le moment, cette recette fonctionne pour eux. Ils ont gagné beaucoup de terrain et les Tunisiens semblent réceptifs à leurs discours. La question qui se pose cependant est de savoir comment tout cela devra se traduire au Parlement s'ils arrivent à disposer d'un bloc parlementaire influent ? Je ne sais pas si le terme indépendant est approprié comme je viens de l'expliquer précédemment.
On peut observer que dans ce que nous qualifions d'"indépendants" se regroupent des groupes et des individus de différents bords. On peut trouver des ex-militants de partis qui ont préféré se ranger dans une liste dite indépendante. Comme il existe aussi des listes "indépendantes" sans couleur politique déclarée, formées essentiellement des diplômés chômeurs qui ont décidé de se lancer dans la course au Parlement. Mais encore une fois, il n'est pas exclu que ces candidats une fois élus, décident de se ranger dans un des blocs parlementaires.
Quels enseignements peut-on tirer déjà de la situation actuelle en Tunisie ?
Plusieurs enseignements méritent d'être tirés de ce processus électoral émaillé d'évènements et de rebondissements. D'abord, il cristallise les dysfonctionnements constatés dans le dispositif électoral mais aussi les erreurs commises par la classe politique depuis le déclenchement de la Révolution tunisienne de 2011.
En effet, le dispositif électoral élaboré en 2011 et revu en 2014 demeure très laxiste. Par exemple, pour être candidat à la présidentielle, ni le bulletin portant sur les antécédents judicaires du candidat ou son quitus fiscal n'est exigé au moment du dépôt de la candidature. D'autre part, la question du financement des partis politiques et de leur campagne électorale demeure toujours posée avec insistance.
De plus, la sanction des électeurs aujourd'hui porte sur le bilan de ces huit dernières années d'exercice du pouvoir. Plus précisément, les élites dirigeantes confondues paient le prix lourd de ne pas avoir engagé des chantiers de réformes. En l'absence de véritables réformes comme par exemple dans le monde des médias, où tout au long de la campagne, plusieurs chaînes de télévision privées étaient en infraction flagrante avec le code électoral et les dispositions fixées par l'instance de l'audiovisuel (HAICA).
Certaines chaînes s'alignaient ouvertement sur des candidats au détriment des autres, foulant ainsi au pied les règles professionnelles, éthiques et les principes de neutralité et d'indépendance les plus élémentaires. Tout comme nous sommes en train de payer aussi l'absence de tout dispositif et de garde-fous destinés à "moraliser la vie politique" et à protéger le monde politique et médiatique de l'argent sale et de l'intrusion des hommes d'affaires véreux.

K. B.


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