Ont voté! Le premier point à relever du premier vote pluraliste en Tunisie, est le calme et la sérénité dont ont fait montre les Tunisiens qui se sont pressés hier devant les bureaux de vote. Des observateurs ont également noté qu'il y avait de la joie. Les Tunisiens étaient conscients qu'ils accomplissaient quelque chose d'important, voire irréversible, pour leur pays, qui ont tenu à voter nombreux, selon les images que montraient les télévisions tunisiennes. Sous réserve de confirmation dans la soirée (hier) du taux de participation, il y a comme un démenti au scepticisme exprimé la veille du scrutin, les analystes s'attendaient à un boycott à tout le moins significatif. Il semble qu'il n'en sera rien. Ce ne sera pas le raz-de-marée, pas plus qu'une large abstention qui fausserait la donne parlementaire. Toutefois, il faudra attendre les résultats officiels, prévus pour le 30 octobre, pour affiner l'analyse quant aux perspectives que les Tunisiens se seraient dessinées. Nous écrivions hier dans ces colonnes que les Tunisiens étaient placés devant un choix décisif: que vont-ils faire? D'abord, ils ont répondu à l'appel de la nation. Ce qui est un point positif qui montre que l'électorat tunisien a bien compris les enjeux induits par un scrutin inaugural - au sens où la Tunisie sera dotée de son véritable premier Parlement pluraliste, élu sur des bases démocratiques et représentatif de l'échantillon politique tunisien - en participant à la mise en place des institutions pérennes dont la Tunisie a besoin. C'est du moins l'impression qui se dégageait hier d'une journée de vote particulière aussi importante, sinon, plus que l'élection de la Constituante en novembre 2011. Ce Parlement aura un mandat de cinq ans et c'est la qualité même des femmes et des hommes qui y seront envoyés qui va faire la différence, d'autant plus que la Tunisie s'est dotée d'un système parlementaire, qui donne le pouvoir de gérer le pays au Premier ministre. Demeure cependant, cette inconnue: quelle sera la couleur que les Tunisiens vont donner à la majorité parlementaire de leur nouvelle Assemblée nationale? De plus, le vote accouchera-t-il, ce qui semble le plus prévisible, d'un Parlement à majorité composite, ce qui ne facilitera pas l'homogénéité gouvernementale à une étape particulièrement cruciale pour le devenir de la Tunisie? Le choix étant désormais fait, que va-t-il sortir du scrutin d'hier? Une interrogation d'autant plus légitime que les deux partis susceptibles d'emporter les suffrages des Tunisiens - le parti islamiste Ennahda de Rached Ghannouchi, et le parti conservateur, Nidaa Tounès, de Béji Caïd Essebsi - ne semblent pas en osmose en plaçant leurs divergences politiques et leur différence doctrinale en point de mire. C'est surtout vrai que le patron de Nidaa Tounès, Béji Caïd Essebsi, qui ne donne pas l'impression d'être prêt au compromis au cas où son parti devra composer avec les islamistes d'Ennahda. Toutefois, ces appréciations demandent à être confortées par les résultats des législatives et la répartition des sièges du futur Parlement. D'ici là, retenons le fait que les élections législatives tunisiennes se sont déroulées dans un bon esprit et un engouement (le taux de participation était de 10,48% hier à 10 heures locales, selon le président de l'Isie, chargée d'organiser les élections) qui démentent les peurs et autres inquiétudes qui se sont avérées sans fondement.