«Chaque pays a ses traditions juridiques» Rehaussée par la présence de Louardi Benabid, procureur général près la Cour suprême, la conférence avait pour thème: «La qualité de la justice.» «La qualité de la justice» a été le thème débattu hier à l'hôtel El Aurassi par de nombreux magistrats, avocats, profs d'animation, chefs de cours et de tribunaux du centre du pays. Le Dr Ahmed Chaffaï, directeur du Centre de recherche juridique et judiciaire, a présidé cette importante rencontre ambitieuse, car la «qualité de la justice» est, normalement, un acquis à atteindre par notre magistrature si décriée par les justiciables et louée à un degré moindre. «En tant que service public comme les autres dans son fonctionnement au profit des citoyens et du justiciable et d'autre part, comme service judiciaire spécifique et ce, pour caractériser une justice de qualité», a estimé le Dr Chaffaï dans son allocution d'ouverture. Les plus hautes autorités judiciaires du pays étaient présentes en vue de rehausser cette journée où les intervenants tels Jean-Paul Jean, président de chambre à la cour de cassation française, Belkacem Zeghmati, procureur général d'Alger qui a brossé un aperçu convenable de la «qualité du service public de la justice», Daniel Tardif, président de chambre à la cour de cassation française, qui a dit dix mots autour «de la phase préparatoire au procès: la mise en état en matière civile», Chantale Bussière, première présidente de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chef de projet français, Kamel Fenniche, président de chambre au Conseil d'Etat, qui a tartiné agréablement sur la «qualité des jugements», l'exécution des décisions de justice par Benyoussef Benrokia, prof d'université de Blida, qui a soulevé «l'effectivité», et le dernier intervenant Mouloud Allache, magistrat, chercheur du Centre de recherche juridique et judiciaire qui a clôturé autour du sujet épineux «La qualité du juge et des auxiliaires de justice: la formation.» Le rôle de l'avocat Sur le plan de la crédibilité du service public, beaucoup d'exigences sont partagées avec les autres services publics comme l'accessibilité de la justice à tous avec le guichet unique dans toutes les juridictions pour permettre une réponse autant se peut, accessible et précise à toutes les questions posées, le renforcement judiciaire, l'obtention d'informations par le justiciable, lui permettant d'être au parfum, l'état du droit et la procédure, qui sera celle au cours de son affaire, à titre d'exemple. Jean-Paul Jean sera le deuxième intervenant autour de nombreux exemples concrets, l'approche internationale, la problématique générale. L'orateur a insisté sur la valeur de la qualité de la justice. Il cite la Hollande dont la justice frise la perfection. L'Angleterre mise sur les atteintes fastidieuses des attentes. La France aussi compte des retards sur la qualité. «Chaque pays a ses traditions juridiques et ne doit donc pas juger les ratés des autres dont les us et coutumes sont différents comme si les valeurs de la justice sont universelles.» «La qualité de la justice repose essentiellement sur la qualité du personnel et la finalité de la justice souvent prises en défaut», a martelé l'orateur qui s'est étendu sur le comment obtenir justice le plus simplement du monde. Il soulève le rôle de l'avocat et le passage à l'acte autour de l'exécution des décisions de justice. «C'est fondamental d'arriver à voir un justiciable brandissant un arrêt définitif et qui ne demande que l'exécution!» dit-il avant de passer au nombre d'affaires énorme qui noient l'appareil judiciaire, surtout dans les petites affaires répétitives. «La modernisation de la justice» est souhaitable pour la qualité du secteur. Il compare 45 pays européens comparables. «Les pays les plus riches sont évidemment à l'avant du combat. Il n'est pas question de comparer la Bulgarie et la Suède ou encore l'Espagne et l'Ukraine etc... Il est vrai qu'en ce qui concerne notre pays, en tant que service judiciaire, la qualité de la justice renvoie à l'organisation des juridictions et à la qualité de ses acteurs. Par exemple, avant le procès, en matière civile, une phase préparatoire doit permettre la mise en état du dossier et ensuite seulement la fixation d'une date de plaidoirie. Beaucoup d'autres paramètres jouent dans ce domaine. Dans la salle d'audience, le juge du siège doit être à l'écoute des parties et assurer le droit de chacun avec respect et en toute impartialité. Et lorsqu'il rendra la décision, elle doit être motivée, si motivée que celui qui se prévaut de l'exécuter sans aucune difficulté. Ce qui va au mur lors de la «difficulté dans l'exécution», talon d'Achille de notre justice. Les délais raisonnables aussi vont vers la qualité. La performance des magistrats et greffiers doit être le «chouchou» des chefs de juridiction invités à veiller à mettre en place les conditions optimales. La «fleur» balancée par Jean-Paul Jean qui s'est dit charmé par le guichet unique: «A Chéraga, le guichet unique est meilleur qu'en France, car il y a un guichet à la disposition des avocats. Il y a aussi le greffier correct, compétent et disponible, prêt à avoir le renseignement en un clin d'oeil!». Un quart d'heure plus tard, ce sera Zeghmati, le procureur général d'Alger qui a évoqué largement l'amour du métier et le professionnalisme des gens chargés de missions spécifiques. «La qualité du service public de la justice» va d'une contrée à une autre. L'élément féminin est à placer avec beaucoup de doigté et de bon sens. Le tabou aidant, la méconnaissance de la langue arabe dans certaines régions vient s'ajouter au malheureux tabou voyant une jeune fille à l'accueil et l'orientation», a expliqué le magistrat qui a étalé une large culture générale en la matière, lui qui a bossé dans toutes les régions du pays. Il s'est dit heureux de voir plus de 90% d'informatisation des documents. «Ne restent en vie que les cahiers où le décret présidentiel y est», a articulé l'orateur qui s'est félicité de la permanence de tous les parquets du pays. «La disparition progressive des files d'attente des citoyens est en bonne voie», ajoute Zeghmati, «ravi que la modernisation fait son effet au crépuscule de 2014», a même assuré l'orateur, stoppé net par le... chrono, car beaucoup d'idées se nichaient encore dans la boîte crânienne du procureur général. «Dommage!» fut sa conclusion. Le Dr Chaffaï a, par la suite, souhaité des n° verts dans les juridictions dont le standard est muet depuis belle lurette. «Un citoyen qui a un problème de justice, ne sait pas attendre et n'a pas le n° du procureur ou du juge...» Au cours des débats, Maître Zaâlane, Kamel Feniche, entre autres, ont soulevé l'exemple italien en matière de pourvois en cassation. Mohamed Yahiaoui, le procureur de la République a voulu remercier son procureur général à propos de la maîtrise, du professionnalisme de certains greffiers, en ajoutant les autres partenaires de la justice. Il soulève la lenteur de la police judiciaire dont le retard est imputé au parquet local par les parents des détenus, par exemple. Le mandat d'arrêt Le procureur aurait bien voulu continuer son intervention, mais le facteur temps l'en empêche. Maître Mihoub Mihoubi a regretté le compte-rendu inachevé de Zeghmati, avant de relever que la justice ne s'arrête pas au Palais de la justice, mais à tous les auxiliaires et partenaires de la justice en précisant que le côté «droit» doit être d'une qualité supérieure car la jurisprudence est non seulement nécessaire mais utile. Des sympathiques débats, le mandat d'arrêt et ses malheureuses suites souvent désastreuses, a montré le bout du nez. Encore une fois, la police judiciaire s'est trouvée à l'index par un manque flagrant de coordination et Tayeb Louh, ministre de la Justice, garde des Sceaux, a raison de taper du poing, car le justiciable n'est pas dans le secret des «dieux» qui veillent sur la magistrature. Et pourtant, tout semble facile, la police judiciaire a un chef: le procureur. Le rôle de la société civile dans l'implantation de l'émancipation de la culture juridique. Zeghmati a regretté les pas d'écrevisses effectués par la justice et les avocats. «Nous avons été incapables de préserver les acquis douloureusement arrachés de haute lutte, notamment le greffe qui connaît un grave problème de personnel, car quelqu'un que l'on place non pas à sa place, mais à une autre mission, fait semblant de bosser. Il faut prendre en charge ce problème crucial», a mâchonné Zeghmati qui a dû se rendre compte que certains invités pensaient à ce moment précis que la justice algérienne dépend des hommes et des femmes qui la composent et surtout faire en sorte d'aider ces derniers à bosser dans des conditions optimales.