«A terme, le site de Timgad risque d'être déclassé» est un SOS à lourde portée «Le site de Timgad est en péril», affirment les professionnels et les amis du patrimoine, dans une pétition adressée à notre rédaction, mercredi dernier, soit durant le déroulement du festival. Ces derniers, en attendant de se constituer en association, lancent un appel des plus urgents car, témoignent-ils, «le site classé patrimoine mondial depuis 1982, subit de multiples destructions chaque année pendant la durée du festival». Nassira Ben Sedik, archéologue de son état et inspectrice d'Antiquité, revient de Timgad avec en tête des images horribles. Elle en vient même à pleurer... Elle a été 10 jours pendant les préparatifs du festival. «La catastrophe, dit-elle, ce n'est pas seulement pendant le festival, c'est aussi avant. Cela commence un mois avant et cela depuis des années. Il y a une interruption pendant quelques années qui a été la bienvenue. Malheureusement, cela a repris. Quand Timgad a été découvert, il n'y avait rien. Il y avait un souk par semaine. Donc, le village de Timgad a été édifié pour le site, à cause du site. On est en train de le détruire. Cela veut dire qu'il y a énormément de places. On peut faire la fête à des tas d'endroits dans Timgad mais à l'intérieur du site archéologique, c'est interdit par la loi. Il y a une loi qui dit qu'on ne peut pas porter atteinte à un site classé. Ce site de Timgad est classé sur la liste du patrimoine national et du patrimoine mondial. Donc, il y a un certain nombre de conditions. On ne peut pas agir comme dans son propre jardin. Pendant, avant et après le festival, tout le monde fait ce qu'il veut, détruit autant qu'il peut à l'intérieur du site. C'est une situation absolument irréaliste». Selon notre archéologue, la loi 98-04 oblige même les professionnels à disposer d'une autorisation. «Alors, se demande-t-elle atterrée, expliquez-moi comment un professionnel a besoin d'une autorisation pour mettre les pieds sur ce site et quand le dernier des ouvriers de la mairie, auquel je n'en veux pas au demeurant, vient et creuse pour installer la scène du théâtre!» Mme Nassira Ben Sedik nous rapporte un fait «édifiant»: «Pour ce festival, ils ont cassé une corniche de la scène pour installer une baffle pour la musique et le responsable du site n'en peut plus. Ce site est livré à des vandales d'un autre âge. On ne peut rien faire». Sur 80 hectares, nous apprend-on, seuls deux gardiens sont là pour veiller à la protection du site. Un pour vendre les tickets et autre sur la hauteur du théâtre. «De toutes manières, il n'a aucun pouvoir. Il ne fait qu'assister impunément au massacre du site». Aussi, nous certifie-t-on dans le communiqué, «des centaines de moellons sont détachés du théâtre et des murs de la ville antique qui est ainsi défigurée, des camions de gros tonnage et des tracteurs traversent le site et passent sur la voie en occasionnant la cassure des dalles. Des équipements sauvages (fontaines, canalisations modernes, cabines, projecteurs) sont aménagés avec du ciment et du béton, sans aucun contrôle et sans l'aval des services archéologiques». Et de poursuivre: «Le site est pillé: des chapiteaux et des colonnes antiques sont volés du site pour décorer les habitations, les commerces et les places publiques de Batna». «A terme, lit-on dans le communiqué, le site de Timgad ne portera plus le nom de Pompéi de l'Afrique et ne sera plus cité comme l'exemple type unique de la ville romaine dont nous sommes les seuls détenteurs et sera inévitablement déclassé». Mme Nassira Ben Sedik et les amis du patrimoine se déchargent de toute responsabilité liée à ce pillage car, dit-elle, «on n'est pas complices. Ce n'est pas nous qui détenons le pouvoir». Elle parle de «massacre» qu'elle qualifie de «honteux» et d'«ignoble». Notre but, finit-elle par lâcher, est de «témoigner vis-à-vis des générations futures, que les professionnels de l'Algérie actuelle ne sont pas complices de l'effacement absolument irréversible de cette ville. On ne demande pas simplement l'arrêt du festival sur le site archéologique, il y a des places ailleurs, il faut réparer maintenant d'urgence et pas n'importe comment. C'est une urgence et une priorité. Il faut que ceux qui ont saccagé demandent pardon à cette ville, à la mémoire et aux Algériens. De quel droit sont-ils en train de faire disparaître une ville qui est là depuis 20 siècles?». Enfin, un appel est lancé à tous ceux qui ont «à coeur la préservation de notre patrimoine», à rejoindre cet appel à : [email protected].