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«Préservons le site de Timgad»
ABDERRAHMANE KHELIFA, DIRECTEUR DU PATRIMOINE
Publié dans L'Expression le 25 - 07 - 2004

Notre patrimoine est en péril, nous assure-t-on, il faut le préserver et même rattraper ce qui a été ravagé.
L'Expression: Lancer un appel pendant le déroulement du festival peut s'apparenter à de la provocation.
Abderrahmane Khelifa: Il ne faut pas prendre cela pour de la provocation. Nous, on se situe hors du temps. On considère que les sites archéologiques ont passé des siècles et on doit simplement les préserver pour qu'ils passent d'autres siècles. Pendant longtemps les professionnels du patrimoine ont regardé impuissants la tenue du festival de Timgad. C'est une bonne chose puisque c'est une activité culturelle. Ce n'est pas à nous, diront les gens de la culture, qui allons empêcher une activité culturelle. Simplement elle doit avoir ses règles. Elle ne doit pas se faire au détriment d'autres éléments qui sont constitutifs de notre personnalité et de notre culture. On ne peut pas promouvoir une culture musicale ou autre en cassant des vestiges qui font partie ainsi de notre culture.
Qui détermine aujourd'hui votre action et vous pousse à agir?
Ce qui nous pousse à agir, c'est que chaque année, on constate des dépréciations. A terme, le site ne sera plus représentatif de notre identité nationale. Cela n'a rien à voir avec la provocation... Je m'inscris en faux totalement et cet appel aurait pu paraître avant la tenue du festival. Malheureusement, les conditions n'étaient pas réunies pour d'autres raisons. Il a été diffusé pendant le festival, c'est une chose et peut-être encore, puisque l'action continue sur Internet, sera encore activé, puisque nous recevons des signatures et cela va continuer au-delà de la clôture du festival.
Que demandez-vous et quel est cet appel?
Que le festival puisse se tenir à Timgad, hors du site, tant que les conditions d'accueil ne sont pas respectées comme de par le monde. Vous allez me dire il y a le festival de Balbek ou autre, ce n'est pas dans les mêmes conditions. A Timgad, il y a deux gardiens, Comment peuvent-ils contrôler, réguler, diriger le flot des gens qui viennent qui, pour la plupart, n'ont pas le respect des monuments. L'appel continue donc en octobre. Nous voulons que ce festival se termine mais en dehors du site.
Au-delà de cette pétition, avez-vous entamé d'autres actions notamment un écrit pour le ministère de la Culture?
Nous allons lancé encore un appel pour la citadelle d'Alger. Il n'y a pas une semaine, des piliers, des colonnes sont tombés. Vous savez, le rempart est en train de se déverser. Il ne serait pas étonnant qu'il s'affaisse dans les mois à venir sachant que le dernier tremblement de terre a déjà provoqué des fissures. D'ailleurs, des collègues ont évacué des bureaux parce que les pieds des voûtes se sont fissurés et cela va tomber. Donc, c'est un danger. Nous disons, là aussi, c'est un patrimoine qu'il faut préserver, de la même façon pour Tipaza. Nous lançons un même appel pour Djamila, pour le M'zab, pour Madaure. C'est-à-dire pas seulement pour les sites du patrimoine mondial qui sont en péril. La Casbah, ce n'est pas la peine d'en parler. On a tenu une conférence sur les sites du patrimoine en péril et la situation est aussi alarmante.
Nous nous situons dans le temps et même hors du temps. Quelles que soient les actions que nous menons, nous le faisons pour les générations futures. Ailleurs, le conservateur est maître de son site. En Algérie, cela n'existe pas. Il est obligé d'obéir aux autorités locales qui, le plus souvent, ne connaissent pas la portée des sites qu'ils administrent. Voilà la différence. Le conservateur du site est dans l'incapacité de faire quoi que ce soit. Et s'il émet une quelconque protestation, on lui demande de se taire...


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