A moins d'une semaine de la seconde édition du Forum mondial des droits de l'homme qui doit se tenir du 27 au 30 novembre à Marrakech, le royaume reçoit une volée de bois vert de la part des députés européens. Que voulait cacher le Maroc à Bruxelles? Son savoir-faire en matière de violation des droits de l'homme? C'est raté. Le caractère répressif et violent du pouvoir marocain est de notoriété publique. Un label porté comme une verrue sur le visage. Du coup, l'histoire est titillée. Les bagnes d'Agdz et Kalaât M'Gouna, la villa Gueliz à Marrakech, le commissariat de Derb Moulay Cherif, à Casablanca, Tazmamart... des lieux de torture où se sont brisés des vies où se sont tues bien des voix précieuses marocaines pour toujours, reviennent à la mémoire. Saïda Mnebhi, professeur d ́anglais à Rabat, Incarcérée à la prison de Casablanca, mise à l ́isolement, elle s ́est éteinte le 11 décembre 1977 après 34 jours de grève de la faim à l ́hôpital de Casablanca faute de soins appropriés. Elle était âgée de 25 ans. Abdellatif Zeroual, philosophe et poète, a rendu son dernier souffle en 1974, sous la torture, dans les geôles du Derb Moulay Chérif, le tristement célèbre centre de détention du Royaume chérifien. Amine Tahani est mort le 6 novembre 1985 sous la torture lui aussi.... Ils étaient tous membres d'Ilal Amam (Mouvement marxiste-léniniste)... Leurs voix se sont élevées pour que surgisse la lumière des ténèbres, des années de plomb instaurées par Hassan II. Aujourd'hui, ce sont des territoires sahraouis occupés, Laâyoune, Boujdour Smara, mais surtout des geôles du Royaume (La Casa Negra, prison noire, Salé...) que continue à perpétrer cette tradition héritée de père en fils. De Hassan II à Mohammed VI le flambeau de la violence a été transmis. Comme une ADN. Les Sahraouis la subissent au quotidien. Une réalité que le Makhzen veut escamoter. Effacer. Le président du Conseil national des droits de l'homme marocain (Cndh), Driss El Yazami s'en est allé jeudi dernier vendre une image pratiquement idyllique de son pays dans l'enceinte du Parlement européen. «Intervenant devant les membres de la sous-commission des droits de l'homme au Parlement européen, le président du Cndh, Driss El Yazami a été «sévèrement» interpellé par des députés européens sur la «situation calamiteuse» des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés» souligne une information émanant de Bruxelles répercutée par une dépêche de l'APS datée du 20 novembre. Que lui a-t-on reproché? «Parmi les griefs rappelés par les eurodéputés ont figuré la «tragédie sanglante» de Gdiem Izik en 2010, le décès du militant sahraoui, Hassan al Wali, sous la torture, l'isolement des prisonniers d'opinion qui n'ont pu être visités, y compris par des députés européens et les mauvais traitements qui leur sont infligés» a indiqué la même source. Acculé, le président du Cndh a été contraint de reconnaître un «usage disproportionné» de la force à Laâyoune (capitale occupée du Sahara occidental, Ndlr) mais a refusé «obstinément» de répondre sur l'hostilité du gouvernement marocain à l'élargissement du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme et en s'enferrant jusqu'à reconnaître, que ces territoires sont disputés «internationalement» souligne le document rédigé par des élus européens qui se sont déclarés «indignés» par les «réponses biaisées» et «non satisfaisantes» du responsable marocain sur la question du Sahara occidental. Les parlementaires de l'UE ont remis en cause l'utilité même des antennes régionales du Cndh dans les territoires occupés. Leur mission véritable semble être de «suivre» et de «noyauter» les activités des partisans de l'indépendance ont-ils dénoncé... Une volée de bois vert. C'est le prix à payer lorsqu'on veut défendre l'indéfendable. Le Maroc l'a appris à ses dépens. Donner un statut de défenseur des droits de l'homme au pouvoir marocain revient à cautionner la torture, la répression, les procès inéquitables, la violence... dénoncés régulièrement par les organisations internationales des droits de l'homme (Human Rights Watch, Amnesty international, la Fondation Kennedy...). L'entreprise était risquée, périlleuse. Voire suicidaire. Le président du Conseil national des droits de l'homme marocain (Cndh) s'est quand même jeté dans la gueule du loup. Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule (tout dépend de quel côté l'on se situe, Ndlr), le vice-président américain Joe Biden, en visite au Maroc dans le cadre du 5e Sommet mondial de l'entrepreneuriat qui s'est tenu du 19 au 21 novembre à Marrakech a réitéré le soutien des Etats-Unis à Christopher Ross, l'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahara occidental qui n'est pas en odeur de sainteté avec le Palais royal. Mohammed VI a fait le dos rond.