«Les déplacements des habitants sont devenus depuis quelques années, moins périlleux.» Réglées comme par un rite, les forces combinées de sécurité déjà victorieuses, cet été, en Kabylie maritime et à l'Est d'Alger, poursuivent leurs opérations contre les maquis du Gspc, notamment sur l'axe Bouira-Boumerdès. Aux portes de Lakhdaria, Ammal, est une petite localité coincée par la RN5 et cernée de toutes parts par des montagnes. Protégé par un escadron de la Gendarmerie nationale et un groupe de patriotes, affiliés au contingent des résistants du défunt Zidane El Mokhfi, le village respire apparemment la quiétude. Ce dimanche, au premier regard, tout a l'air normal. Les cafés sont remplis de clients. Et sur les esplanades de ces établissements, des vieux, surtout, jouent aux dominos. Jouxtant d'autres boutiques alignées sur un promontoire surplombant la voie ferrée, un kiosque annonce une panoplie de journaux, diverses marques de cigarettes et autres babioles pour enfants. Des automobilistes garent en face leurs véhicules, prennent des consommations dans un café ou une gargote, puis redémarrent en trombe. Un jeune berger fait rentrer son troupeau de moutons un peu plus loin, sur les rives de l'oued Henni. Très vite cependant, à mille et un détails, on sent que la sécurisation (totale) de la région demeure un objectif à atteindre. Sous un soleil de plomb, des brigades de la Gendarmerie nationale locale renforcent leur dispositif de contrôle et de surveillance, dans différents points stratégiques des gorges de Lakhdaria. Quelques heures auparavant, nous informe-t-on, une colonne de l'ANP avait emprunté d'un pas ferme, les sentiers menant au maquis voisin de Djerrah. Les routes sinueuses jouxtant ce massif boisé débouchent sur la zone de Bouzegza. L'endroit est une chaîne de montagnes, mais aussi des vallées toujours utilisées, comme couloirs d'infiltration par les différentes hordes terroristes, notamment celles dénommées El Farouk et El Feth, pour attaquer à la moindre baisse de vigilance des villageois. La dernière opération militaire ayant ciblé ce maquis remonte au mois de mars dernier, où 5 terroristes ont été abattus suite à des raids aériens, en plus de la destruction d'au moins trois sanctuaires du Gspc. Ayant compris le modus operandi des factions terroristes locales qui ont acheminé encore il y a moins d'un mois, selon nos sources, du ciment et autres produits de maçonnerie vers leurs tanières, pour ériger, sans doute, d'autres casemates, l'armée procède à un véritable maillage de la zone. «Les déplacements des habitants de Tahachat, Ouled Abd El-Hadi, Ouled Hadj Ali, Toulmout, sont devenus depuis quelques années, moins périlleux», explique dans cette optique un observateur de la scène sécuritaire locale. Sur un bout de papier, il dessine ensuite des points et des lignes qui tissent une immense toile d'araignée sur le versant est d'Ammal et le nord de Lakhdaria. «Regardez là-bas, ces douars d'Adhaffal, Melath et Tala Mehdi qui ont été désertés par leurs habitants à partir de 1995, suite aux exactions des groupes armés», s'inquiète-t-il. Il explique que l'armée se charge là-bas de nettoyer méthodiquement depuis trois ans, les forteresses du Gspc. Mais le retour progressif vers ces lieux féeriques où les plantations d'oliviers, de figuiers et autres arbres fruitiers qui faisaient la richesse et la joie des villageois n'est pas envisagée. On se rappelle, à juste titre, ces centaines de citoyens assassinés par le GIA, il y a dix ans, et le sort malheureux de ce jeune de 23 ans, déchiqueté par une bombe artisanale, fin 2002, lorsqu'il voulut prendre des photos avec ses trois copains au pied d'une colline recouverte de neige. Habitant actuellement, pour la plupart, dans des masures à la lisière du village, ils se félicitent des succès engrangés par ces structures de sécurité dans la bataille livrée aux groupes terroristes. Ainsi, attendent-ils, le décompte final au profit des militaires pour pouvoir retourner à leur terre. «Notez-bien, lance un villageois, que Redouane Toutaoui, terroriste éliminé par la police judiciaire, la semaine dernière, entre Boudouaou et Ouled Moussa, est originaire de cette commune». Il avait agi clandestinement pendant deux ans, au profit du Gspc avant de basculer carrément dans l'action armée, il y a quatre ans. Mais ses acolytes sont là, toujours en cavale, à l'instar de Kiche, Bouzegza et les frère Hamzaoui. Chefs sanguinaires, groupuscules de Gspc, ils planifient encore des faux barrages et incursions dans certains hameaux isolés pour racketter les villageois et s'approvisionner en eau et en nourriture. La semaine dernière, un de ces groupuscules a dépossédé un automobiliste de son camion à la sortie de Béni Amrane. Les forces de sécurité mises en alerte n'ont pas encore retrouvé ce véhicule. Simultanément, un gendarme a été assassiné dans un faux barrage sur la route reliant Lakhdaria à Guerrouma, par un groupe terroriste composé d'une quinzaine d'éléments. Puis, le week-end dernier, trois terroristes pénétrèrent dans une ferme non loin de Touzaline, sur la route de Chabet El Ameur, pour réclamer de l'eau et du pain. Armés de gourdins et de haches, les hommes de la région les ont repoussés. Situés dans une zone proche des grands centres urbains, ces hommes avaient choisi de rester dans leurs douars, même si eux aussi, déploraient il y a juste quelques années, régulièrement des pertes humaines suite aux attaques terroristes. A chaque village ses réflexes, son tempérament, ses méthodes de survie. Mais l'objectif reste le même: la paix au bout de la résistance.