Kamel Daoud, un écrivain de talent Après l'épisode d'El Wahrani, un nouvel épisode a secoué, hier, la scène médiatique nous rappelant l'époque noire de l'intégrisme religieux et des menaces de mort contre les intellectuels et les artistes. Le chef du parti salafiste Front de l'éveil salafiste (non agréé), Abdelfatah Hamadache, qui s'est inspiré de l'ayatollah Khomeini (quand il a lancé une fetwa contre Salman Rushdi) a publié sur sa page Facebook un appel pour appliquer «El had» (condamnation à mort) contre l'écrivain et chroniqueur Kamel Daoud. «Si la charia était appliquée en Algérie, le châtiment aurait été de le tuer», a encore écrit l'imam publiquement et ouvertement sur sa page Facebook. Cet appel «au meurtre» a provoqué un tollé au milieu de l'élite algérienne et de vives réactions et critiques ont été postées sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter. Beaucoup de personnalités algériennes et d'internautes expriment leur soutien à l'écrivain, une campagne de solidarité avec une pétition a même été lancée sur les réseaux sociaux. En revanche, Hamadache a trouvé un écho favorable chez une minorité d'internautes pro-islamistes qui n'ont pas apprécié la dernière intervention de l'écrivain Kamel Daoud sur l'émission de France 2 «On n'est pas couché». Sur Facebook, nombreux sont ceux qui ont choisi de mettre la photo de Kamel Daoud sur leurs profils en signe de solidarité, c'est le cas notamment du cinéaste Lyes Salem, qui fut lui-même attaqué par des figures islamistes, lui reprochant d'avoir montré les moudjahidine en train de boire de l'alcool. Suite à cette polémique, la chaîne Ennahar TV a interrogé l'imam Hamadache qui a confirmé ses propos contre l'écrivain et renouvelé son opposition à la démarche intellectuelle de Kamel Daoud. De son côté, l'écrivain Rachid Boudjedra qui était l'invité de l'émission Qahawa oua Djornane de Mohamed Osmani a sévèrement critiqué les déclarations de Kamel Daoud sur l'émission de France 2 sur le monde arabo-musulman, dénonçant au passage le retraitement du jeune écrivain de l'oeuvre d'Albert Camus, qui fut dit-il contre les Arabes et l'indépendance de l'Algérie. Sur le plan politique, seul le RCD a réagi hier soir en dénonçant, «l'appel au meurtre» lancé contre l'écrivain Kamel Daoud. Dans un communiqué publié hier, le parti rappelle que l'auteur de la fetwa «n'est pas à son premier acte de défi et de menace envers des personnes coupables à ses yeux de revendiquer haut et fort leur liberté de pensée et d'expression». «Le précédent est extrêmement grave et confirme la démission de l'Etat et de sa justice, incapables d'assurer la défense des citoyens contre les extrémismes et les injustices», ajoute le RCD qui «exprime son entière solidarité à Kamel Daoud et à toute l'élite intellectuelle». Le parti tient également «pour responsables les autorités contre toute atteinte à l'intégrité morale et physique d'un des membres de la corporation journalistique qui a payé un lourd tribut». En fin de journée, l'écrivain-journaliste Kamel Daoud a déposé plainte à Oran, contre l'imam salafiste Abdelfatah Hamadache, a rapporté Sofiane Hadjadj, co-fondateur des éditions Barzakh. L'éditeur s'est dit inquiet et très étonné qu'aucune réaction officielle des ministères de tutelle, ne soit venue dénoncer ce dérapage dangereux, qui nous renvoie plus de 20 ans en arrière, à l'époque des assassinats des intellectuels et des artistes. Pour rappel, Kamel Daoud est chroniqueur au Quotidien d'Oran. Son premier roman Meursault, contre-enquête a obtenu en 2014 le Prix François-Mauriac et le Prix des Cinq continents de la Francophonie. Il fut finaliste dans la dernière sélection du prix Goncourt 2014, et est à une voix de le remporter (4 votes contre 5 pour Lydie Salvayre). Depuis, il est très sollicité par les médias français et publie même un édito dans le magazine Le Point.