Si ces premières mesures d'apaisement ont été accueillies favorablement à Tizi Ouzou et à Bouira, l'on a aussi noté la même ambiance de liesse et surtout de soulagement dans la wilaya de Béjaïa où d'autres détenus ont été libérés, hier, en attendant que de telles mesures soient élargies à tous les autres délégués, qu'ils soient détenus ou vivant, depuis quelques mois déjà, dans la clandestinité la plus totale. Les premières mesures de clémence déjà affichées publiquement par le Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, pour une nouvelle amorce dans le règlement de la crise en Kabylie, ont été apparemment concrétisées, hier après-midi, dans les trois wilayas, Tizi Ouzou, Bouira et Béjaïa, où de nombreux détenus du mouvement citoyen ont été mis en liberté provisoire au grand soulagement de leurs familles et de leurs compagnons de lutte. C'est ainsi qu'à Bouira, plusieurs détenus du mouvement des archs ont bénéficié, hier, de cette demande de liberté provisoire introduite, selon quelques avocats bénévoles du mouvement citoyen, par le procureur général alors qu'aux dernières nouvelles, cinq autres détenus, qui étaient encore aux arrêts hier soir, ont des chances de bénéficier des mêmes modalités de liberté provisoire à partir d'aujourd'hui ou au plus tard demain. À Tizi Ouzou, dès les premières rumeurs colportées ici et là, une foule nombreuse, dont des délégués du mouvement citoyen, avait pris d'assaut les abords de la maison d'arrêt. Une effervescence des grands jours avait régné durant toute l'après-midi devant le portail de la maison d'arrêt. De nombreux délégués de la Coordination des archs, daïras et communes (CADC) de la wilaya de Tizi Ouzou étaient abordés par des parents et des proches des détenus pour se rassurer davantage sur les nouvelles du jour, alors qu'une nuée de journalistes locaux avait aussi accouru pour ne pas rater l'événement. Vers 17h, les premiers vivats jaillirent de la foule pour saluer la sortie de Rachid Allouache, délégué bien connu du arch d'Ath Jennad, qui croupissait depuis huit mois déjà en prison aux côtés de son compagnon de lutte, Belaïd Abrika. Face à une telle ferveur populaire, Rachid Allouache avait bien du mal à se frayer un chemin car les accolades et les tapes amicales étaient bien de mise. De nombreux avocats du mouvement citoyen qui avaient été déjà mis au parfum au cours de l'après-midi, avaient tenu à être présents pour apporter leur soutien, comme toujours, à tous les représentants du mouvement citoyen qui avaient bien du mal à cacher leur émotion, mais aussi leur inquiétude pour tous les autres détenus. L'attente fut longue pour la libération tant attendue des deux autres délégués Belaïd Abrika, emprisonné depuis le 13 octobre dernier, et Nourredine Medrouk, délégué connu de Ath Douala, arrêté depuis près d'un mois déjà à Béni Douala après des manifestations populaires, où le président d'APC locale avait été pris à partie par les manifestants. De bouche à oreille, la libération éventuelle d'Abrika et de Medrouk avait alors alimenté bien des discussions et a partout engendré des commentaires. Pourtant, vers 18h, les deux derniers détenus de la CADC étaient encore dans les geôles alors qu'un mouvement de foule avait même fait craindre le pire. “Abrika et Medrouk ne seront libérés que demain !”, lançait alors un responsable de la prison, mais la foule ne désarme pas. “C'est une simple ruse pour faire disperser la foule”, réplique un délégué de la CADC. Finalement, l'attente fut vaine, mais vers 18h30, une délégation du mouvement citoyen a été reçue par les responsables de la maison d'arrêt. On finira par savoir que Belaïd Abrika tout comme Nourredine Medrouk devra passer, aujourd'hui, devant la chambre d'accusation pour bénéficier éventuellement d'une mise en liberté provisoire. Les présents ont bien du mal à contenir leur mal en patience, mais les assurances des uns et des autres finiront par l'emporter sur l'impatience et la fébrilité, même si les rumeurs d'une telle libération n'étaient pas écartées en début de soirée. Toujours est-il qu'une grande marche populaire a été alors organisée spontanément de la maison d'arrêt de Tizi Ouzou jusqu'au centre-ville. En tête du cortège, Rachid Allouache arborait beaucoup de fierté et de dignité avant d'être rejoint par d'anciens détenus tels que Mohand Nekkah, Mouloud Chebheb et Tahar Allik, eux aussi libérés tout récemment. Aux slogans habituels du mouvements des archs exigeant la satisfaction de la plate-forme de revendication d'El-Kseur et la libération de tous les détenus du mouvement citoyen, de nombreux youyous fusèrent alors des balcons pour saluer un tel événement. C'est dire que tout Tizi Ouzou avait vécu une soirée folle, même si de nombreux délégués de la CADC estiment qu'il reste encore beaucoup à faire pour cicatriser toutes les plaies et régler définitivement une crise qui aura duré depuis plus de deux ans dans une Kabylie encore meurtrie, mais apparemment disposée à croire une ère nouvelle au cas où il y aurait, réellement, une volonté sincère du pouvoir pour trouver une solution fiable et durable. Si ces premières mesures d'apaisement ont été accueillies favorablement à Tizi Ouzou et à Bouira, l'on a aussi noté la même ambiance de liesse et surtout de soulagement dans la wilaya de Béjaïa où d'autres détenus ont été libérés, hier, en attendant que de telles mesures soient élargies à tous les autres délégués, qu'ils soient détenus ou vivant, depuis quelques mois déjà, dans la clandestinité la plus totale. C'est ainsi que le tribunal correctionnel de Sidi-Aïch, lors de son audience, tenue, hier, au siège de la cour de Béjaïa, a prononcé la liberté provisoire en faveur des quatre délégués de la CICB détenus depuis huit mois, tandis qu'un manifestant de Tinebdar, Achouche Nassim, le seul présent au procès parmi les dix mis en cause se trouvant en fuite, a pu bénéficier d'un acquittement. C'est avec une grande joie que MM. Saïdani Hakim, délégué de Boudjellil, Zane Khellaf, délégué de Tifra, Harkane Hafid et Chekkour Mourad, délégués de Sidi-Aïch, ont appris cette décision qui leur permettra de retrouver leurs familles et proches ainsi que leurs camarades du mouvement citoyen. Quant aux neuf autres inculpés qui n'ont pas daigné se présenter à ce procès, le président du tribunal leur accorde un délai supplémentaire s'étalant jusqu'au 22 septembre prochain pour régulariser leur situation vis-à-vis de l'instance judiciaire qui a lancé des mandats d'arrêt à leur encontre, et afin qu'il y ait un jugement unifié et définitif de l'ensemble des mis en cause. À noter que l'ouverture de ce procès qui devait avoir lieu la matinée, à partir de 9 heures, a été reportée par le président du tribunal à l'après-midi. Ce report inhabituel et surtout inexpliqué a laissé tout le monde pantois. “Ils doivent attendre la décision des politiques d'en haut”, ne cessent d'ironiser certains citoyens présents sur les lieux. Un autre fait singulier a caractérisé le réquisitoire du représentant du ministère public qui s'est montré très tendre avec les prévenus, puisqu'il sera le premier à demander la liberté provisoire pour ces derniers. Lors de sa plaidoirie, maître Fawzi Hammoudi, l'un des avocats du collectif du RCD ayant pris la défense des animateurs du mouvement citoyen, a d'emblée tenu à soulever la violation de l'article n°355 du code de procédure pénale qui stipule que “tout jugement doit être rendu en audience publique (…)”, au motif que le public nombreux venu assister à ce procès s'est vu interdire l'accès à la salle d'audience. Seuls les journalistes et les personnes munies de convocation ont le droit d'accès à la salle d'audience. “Désolés, nous avons reçu des instructions fermes de ne pas laisser tout le monde entrer !”, se justifient les policiers postés à la porte d'entrée. Suite au renvoi du procès, maître Hammoudi a sollicité la mise en liberté provisoire des prévenus, tout en mentionnant que ces derniers présentent des garanties réelles de représentation à l'audience du 22 septembre prochain et que l'ensemble des mis en cause, en détention, résident dans la circonscription du même tribunal de Sidi-Aïch. Après examen des motifs soulevés par la défense, le juge délibère sur place et accorde aux mis en cause la liberté provisoire. Visiblement satisfait de ce jugement, l'avocat de la défense que nous avons interrogé à sa sortie de l'audience dira : “J'aurais souhaité qu'un jugement de fond soit fait, et ce, afin de contribuer au dénouement de la crise qui secoue la Kabylie depuis plus de deux ans”. Par ailleurs, il y a lieu de signaler qu'une dizaine d'animateurs du mouvement citoyen demeure toujours incarcérée à la maison d'arrêt de Béjaïa dont le dossier est pendant, soit au niveau des bureaux des juges d'instruction, soit au niveau de l'appel de la chambre d'accusation. S'achemine-t-on vers la libération de tous les détenus du mouvement citoyen afin de ramener les structures des archs de Kabylie à accepter l'offre de dialogue de Ahmed Ouyahia ? M. H. / K. O.