Le présentateur de la télévision publique marocaine ouvre les hostilités médiatiques contre l'Egypte Décidément, rien ne va plus entre l'Egypte et le Maroc. Depuis quelques jours une guerre médiatique larvée a débuté entre les deux nations frères, le Maroc et l'Egypte. Cette crise nous rappelle la fameuse guerre médiatique entre l'Egypte et l'Algérie, qui a été déclenchée à cause d'un match de football, qualificatif à la Coupe du monde 2010. Mais curieusement, le Maroc a voulu impliquer indirectement l'Algérie dans cette crise entre Rabat et le Caire. Tout a commencé le 1er janvier, quand, la première chaîne publique marocaine (TVM) a diffusé un reportage-bilan sur «la situation sécuritaire en Egypte», un an et demi après l'accession au pouvoir du maréchal Abdelfettah al-Sissi. Visiblement, le reportage était à charge contre le régime du nouveau président en Egypte. Le reportage précise que «l'avènement d'al-Sissi s'est fait suite à un putsch militaire qui a démis de ses fonctions un président élu (Mohamed Morsi) et qui a ordonné l'arrestation de centaines d'opposants. (...) Le reportage, montre également la journée sanglante où la police et l'armée sont intervenus pour réprimer une manifestation d'opposants au régime sur la place Rabiaâ Al Adaouiya. La TVM en rajoute une couche en faisant intervenir Mohamed Benhamou, directeur du Centre marocain des études stratégiques et spécialiste des questions de terrorisme, qui a estimé que «le putsch d'al-Sissi a brutalement avorté l'expérience démocratique en Egypte et s'est fait contre les choix du peuple égyptien». Comme cela ne suffisait pas en langue arabe, les spins doctors marocains en rajoutent en version francophone avec un reportage similaire sur la 2M. Selon certains médias marocains cette attaque médiatique pourrait être une réponse aux critiques des médias égyptiens sur la situation économique et sociale du Maroc. La dernière en date remonte à la fin du mois de décembre, quand le présentateur égyptien Mohamed Nacer Ali, de la chaîne Misr Al Ane, a critiqué «les 5 avions réquisitionnés par le roi Mohammed VI pour son dernier voyage en Turquie». Il est clair que cette nouvelle guerre médiatique entre deux pays arabes frères, est la conséquence d'une divergence politique. Le Maroc qui est dirigé par un parti issu de la mouvance islamiste n'a pas apprécié le retour au pouvoir des militaires égyptiens et la répression contre le mouvement des Frères musulmans avec qui il partage de nombreuses idées. Sur son portail officiel du Parti justice et développement (PJD) de Benkirane on qualifie le reportage de la TVM de «première», sans plus. Alors qu'en Egypte, les réactions ont commencé sur Twitter. Le portail Cairo Portal parle «d'une crise» entre Rabat et Le Caire, et on l'attribue à la photo familiale prise entre Recip Tayyib Erdogan et Mohammed VI au moment de la visite de ce dernier en Turquie. D'autres évoquent même que cette sortie médiatique pourrait être dictée par de nouvelles données dans les alliances régionales et décryptent autrement le premier voyage officiel du président égyptien après son investiture, en juin dernier, réservé à l'Algérie. Le plus étonnant encore, la présentatrice égyptienne d'un programme sur la chaîne, Rania Bedoui, animatrice d'El Qahira El Youm (Une chaîne proche du pouvoir) a évoqué une réaction marocaine suite à la décision de l'Algérie de vendre du gaz à l'Egypte. La présentatrice ira plus loin en dénonçant les allégations d'une certaine presse marocaine, qui affirment que l'Algérie a vendu du gaz à moitié prix pour obtenir la reconnaissance de l'Egypte de la République sahraouie. Chose que la journaliste égyptienne a formellement démenti, qualifiant ses allégations d'affabulations. Pour l'instant, aucun des deux protagonistes ne s'est exprimé officiellement sur ce qui reste pour le moment de simples escarmouches audiovisuelles. Et pourtant, sur le terrain diplomatique on est plus lisse. Saâd Alami, ambassadeur du Maroc au Caire, a condamné la vague d'attaques systématiques contre le Maroc, notant au passage que les relations entre les deux chefs d'Etat sont excellentes. Il rappelle que Mohammed VI a été le premier à avoir félicité le président égyptien Al-Sissi. Mais sur le terrain politique on s'excite dangereusement, puisque certains députés marocains imputent cette opération médiatique hostile au Maroc à l'Algérie. Mehdi Bensaïd, président de la Commission des Affaires étrangères à la Chambre des représentants, accuse les médias algériens, en déclarant «Pour la presse algérienne, il serait plus juste qu'elle ne se positionne pas contre les intérêts des deux peuples frères», a-t-il estimé. Pour la presse marocaine, cette attaque médiatique des télévisions publiques répondent aux attaques à répétition depuis quelque temps contre le Maroc, de certains animateurs et artistes égyptiens. Il y a quelques mois dans un feuilleton de la télévision égyptienne, intitulé Tuffâhet Adem (Pomme d'Adam), le Maroc est décrit comme un pays de «charlatans et d'ignorants». Cette citation a provoqué une large polémique dans les médias marocains. Au cours de la même semaine, une journaliste égyptienne de la chaîne ON TV a estimé que l'économie du Maroc reposait sur le marché de la prostitution et que le pays connaissait un des taux de prévalence du sida les plus élevés. Elle accuse le roi Mohammed VI d'avoir fait le lit des islamistes «afin que son trône ne soit pas emporté par les révoltes du Printemps arabe». Ses excuses, présentées deux jours plus tard à l'antenne, n'ont pas suffi, puisque le Maroc en remet une couche dans ce qui peut être considéré comme une guerre médiatique préfabriquée pour tenter de créer une nouvelle crise entre l'Egypte et l'Algérie.