Il s'agit de prévenir le mal terroriste qui grandit lentement mais sûrement à la frontière sud-est du pays Les milices de Daesh et les trafiquants d'armes qui descendent des sanctuaires du sud de la Libye vers le nord du Mali et du Niger narguent le dispositif censé les dissuader et accroissent leur infiltration des zones sahéliennes. La récente sortie du président nigérien Mahamadou Issoufou appelant à une intervention internationale en Libye en proie aux violences et aux risques d'un véritable chaos, quelques semaines après avoir exprimé à Alger sa «parfaite convergence de vues avec les interlocuteurs algériens» qui s'opposent à toute immixtion étrangère dans ce dossier, illustre l'ampleur du danger qui guette aux frontières des Etats riverains de ce pays. Arguant de la nécessité de réconcilier «tous les Libyens, y compris kadhafistes», condition préalable à la mise en oeuvre d'une période de transition, il a clairement manifesté sa vive inquiétude quant à la progression des milices terroristes qui sont en train de s'installer dans le sud-ouest désertique frontalier du Niger mais aussi de...l'Algérie. Déplorant le fait qu'en 2011, lors de l'intervention des armées occidentales contre le régime de El Kadhafi, personne n'a songé à consulter les pays frontaliers dont ceux qui sont membres du Groupe des Cinq du Sahel (Tchad, Mali, Mauritanie, Burkina Faso et Niger), lesdits pays veulent saisir l'ONU pour obtenir cet engagement armé seul capable à leurs yeux d'en finir avec les groupes armés proches de l'Etat islamique, notamment, ainsi que d'Aqmi (Al Qaîda). Cette sortie du président Issoufou est intervenue juste après l'audience accordée au ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui a appelé, à la veille de sa tournée au Mali et au Niger, la communauté internationale à se «mobiliser» pour empêcher le développement d'un «sanctuaire» jihadiste en Libye source de déstabilisation de toute la région et menace sérieuse pour l'Europe. «Ce serait une erreur profonde pour la communauté internationale de rester passive face au développement d'un tel foyer de terrorisme au coeur de la Méditerranée. Il ne faut pas l'accepter», avait-il insisté depuis Madama, dernier poste avancé de l'armée française au Sahel, au plus près des sanctuaires jihadistes du Sud libyen, qui se développent en toute impunité. Traversant régulièrement la frontière nigérienne, malgré la proximité de la base française de Madama, les milices jihadistes et les trafiquants d'armes qui descendent des sanctuaires du sud de la Libye vers le nord du Mali et du Niger narguent le dispositif censé les dissuader et accroissent leur infiltration des zones sahéliennes, ce qui explique l'inquiétude grandissante des dirigeants français. Mais quid de ces alertes du côté algérien? La doctrine de la non-intervention des troupes au-delà des frontières n'est pas en cause, parce qu'elle est fondée sur les dogmes de la Révolution du 1er-Novembre. Néanmoins, lorsque la menace est telle et qu'elle frappe aux portes mêmes du pays, n'y a-t-il pas urgence en la demeure pour établir un plan? Les interventions de l'ANP en juin1967 et en octobre 1973 contre l'ennemi israélien aux côtés de l'armée égyptienne obéissaient aux dispositions de la Charte de la Ligue arabe. Aujourd'hui, il s'agit de prévenir le mal terroriste qui grandit lentement mais sûrement à la frontière sud-est du pays ainsi que sur la ligne sahélienne. En octobre dernier, les forces françaises n'ont-elles pas divulgué l'interception, dans le nord du Niger, d' un convoi de trois tonnes d'armes à destination du Mali, parmi lesquels des systèmes anti-aériens SA-7 de conception russe, des canons de 23 mm et plusieurs centaines de roquettes antichars? Rien ne dit que ce matériel, ou du moins une bonne partie, n'aurait pas pris la route du désert algérien à un moment ou un autre. La solution politique énoncée à Khartoum par le Groupe des pays limitrophes de la Libye, que préside l'Algérie, est une chose. Mais rien ne garantit que la réunion de toutes les factions libyennes autour d'une même table aboutira à une situation de paix fondée sur une feuille de route acceptée par tous les belligérants. En attendant donc cette hypothétique évolution, l'urgence commande d'agir, plutôt que de devoir réagir à terme, face à une menace de plus en plus inquiétante sur la frontière sud-est du pays.