La France et l'Europe annoncent mercredi, deux semaines après les attentats de Paris, une série de mesures sécuritaires et sociétales pour contrer la menace jihadiste, renforcer la coopération antiterroriste et prévenir l'éventualité de nouvelles attaques. A Paris, le procureur a annoncé que quatre hommes, soupçonnés d'avoir aidé en achetant "du matériel" pour Amédy Coulibaly, meurtrier d'une policière municipale et auteur de la prise d'otages qui a fait quatre morts dans un supermarché casher à Paris, avait été mis en examen (inculpés) et emprisonnés dans la nuit de mardi à mercredi. Le gouvernement français doit annoncer dans la matinée un renforcement, en hommes et en moyens, de la police, de l'armée, des services antiterroristes et du renseignement, accusé de "failles" dans la surveillance des jihadistes. Dans l'après-midi, l'exécutif français devrait aussi annoncer des projets pour l'Education, afin de renforcer dans la société française le respect de la laïcité en France et mieux former les jeunes à la diversité et à l'esprit civique. Depuis les attentats, des incidents ont écorné l'image d'unité du pays dans plusieurs établissements scolaires, notamment de quartiers sensibles, où des élèves ont perturbé les hommages aux victimes des attentats voire affiché un soutien aux jihadistes. La Commission européenne doit pour sa part dévoiler ses plans pour donner un coup de fouet à la coopération au sein de l'Union européenne, qui a décidé d'associer la Turquie et les pays arabes à la lutte commune contre le fléau. - Fichier européen - ====================== Bruxelles est très attendu sur l'épineuse création d'un fichier européen des passagers aériens, prévue par une directive de 2011 mais bloquée au Parlement européen qui réclame au préalable une législation commune sur la protection des données. Les moyens dont dispose l'UE restent toutefois limités: les questions de renseignement restant largement dépendantes du bon vouloir des Etats membres, dont beaucoup rechignent aux échanges d'informations sensibles au delà de leurs plus proches alliés. En France, 400 millions d'euros vont être débloqués en faveur de la police, selon une source proche du dossier. Objectif: embaucher, moderniser les systèmes informatiques et les équipements (armement, gilets pare-balles). "Pour le financement de ces mesures, nous allons rogner sur d'autres secteurs, mais nous n'avons pas le choix, la situation est très grave", explique-t-on de même source. Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a évoqué dès lundi "des moyens supplémentaires, en effectifs et en budget" pour renforcer les services de renseignement "face à une menace protéiforme". Peu après les attentats qui ont fait 17 morts et une vingtaine de blessés à Paris du 7 au 9 janvier, le président socialiste François Hollande avait demandé à son gouvernement des propositions pour muscler les services de sécurité. Alors que près de 15.000 policiers et militaires ont été mobilisés pour protéger les sites sensibles du pays, le chef de l'Etat a mis un frein la semaine dernière à la réduction des effectifs de l'armée, censée perdre plus de 22.000 postes d'ici fin 2017. Son Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé la création d'un fichier spécifique pour les personnes condamnées pour terrorisme ou membres "d'un groupe de combat terroriste", et l'isolement carcéral d'ici fin 2015 des détenus islamistes radicaux. En délicatesse avec Bruxelles sur ses déficits, la France compte cette fois sur le soutien des Européens, tous en alerte maximale. Depuis les attaques de Paris, des opérations antiterroristes ont été menées en Belgique, en Allemagne ou en Grèce. - Apartheid en France? - ============================ L'enquête sur les attentats de Paris est désormais concentrée sur les complices présumés des frères Saïd et Chérif Kouachi, auteurs de l'attentat contre le journal satirique Charlie Hebdo (12 morts), et d'Amédy Coulibaly, leur acolyte tueur d'une policière le 8 janvier au sud de Paris puis de quatre otages juifs dans un supermarché casher de la capitale le lendemain. Un Français de 28 ans, Fritz Joly-Joachin, soupçonné de liens avec les frères Kouachi, doit également être extradé sous peu de Bulgarie, où il a été arrêté le 1er janvier alors qu'il s'apprêtait à entrer en Turquie. Selon plusieurs sources au sein de l'exécutif, le gouvernement pourrait se rallier à une proposition de l'opposition de droite, soutenue par la majorité socialiste à l'Assemblée nationale, d'une "peine d'indignité nationale" privant de leurs droits civiques, civils et politiques les condamnés pour des faits de terrorisme. L'idée est aussi de préserver aussi longtemps que possible le climat d'union nationale qui a dopé, depuis les attentats, la popularité de M. Hollande et de son Premier ministre. Le terrain est sensible: alors que les attentats ont été commis par des jihadistes français issus de l'immigration, M. Valls s'est attiré de vives critiques à droite en dénonçant mardi un "apartheid territorial, social, ethnique" rongeant la France, dans une évocation des émeutes qui avaient secoué les banlieues à forte population étrangère du pays en 2005.