Dans un contexte d'islamophobie exacerbée, nourrie par les retombées de l'attentat terroriste contre le magazine satirique français Charlie hebdo, le vent de la haine et du racisme anti-musulman souffle, de jour en jour, plus fort, attisé, ici et là, par les propos et les actions des partisans d'une laïcité inclusive qui a réussi, excusez du peu, à marginaliser même le Front national! Un des porte-étendards de cette doctrine qui suscite des relents et des marches en Allemagne, ouvertement assumées par le mouvement Pegida, le journaliste Philippe Tesson, n'a pas hésité, dans l'émission Le grand direct de l'actu, sur Europe 1, voici quelques jours, à commettre une charge pleine de morgue et de hargne contre les musulmans de France - des musulmans qui «foutent la merde», affirme-t-il sans vergogne -, feignant d'ignorer qu'il existe des Français non issus de l'immigration et intégrés à la communauté qu'il invective. Triste dérive que cette attitude, copiée à sa manière par l'écrivain Michel Houellebecq qui se défend, pour sa part, d'avoir commis un ouvrage islamophobe, tout en surfant, avec délectation, sur les pentes de la xénophobie et du racisme anti-musulman. Sans doute, y a-t-il une manière typiquement française de défendre la liberté d'expression et de pensée, et pour s'en rendre compte, il suffit de se référer à la manière dont l'humoriste Dieudonné est fustigé, sans que personne n'ose crier au scandale et dénoncer une atteinte à cette même liberté d'expression. A croire que ce qui est vrai pour les atteintes à la communauté et à la religion judaïques ne saurait l'être, en aucun cas, pour la communauté et pour la religion musulmanes. Pascal doit s'en être retourné dans sa tombe! Et pour cause! Sa maxime sur la vérité et l'erreur selon l'endroit où l'on se trouve par rapport aux Pyrénées s'avère d'une terrible actualité.La plupart des gens que ces propos ont indignés l'ont été par la mise en cause des musulmans, sans distinction aucune, seuls coupables des atteintes, réelles ou présumées, à la laïcité, même si le discours officiel a consisté, peu après, à mettre en garde, puis à déplorer, un fâcheux «amalgame». Or les propos tenus sont beaucoup plus graves qu'il n'y paraît, leur auteur séparant, en toute lucidité, les Français et les musulmans, manière de dire et de convaincre que les musulmans ne sauraient appartenir à la première catégorie, quels que soient les efforts accomplis en ce sens. C'est également ce qui ressort de la prophétie proposée par le livre de Houellebecq, un musulman à l'Elysée, dans vingt ou trente ans, prédisant un futur apocalyptique. Quelques jours plus tôt, le 9 janvier exactement, ce même Philippe Tesson s'était livré, sur Radio classique, à un appel au meurtre explicite contre Dieudonné: «Il n'y a pas de pitié pour ça. Ce type, sa mort par exécution par un peloton de soldats me réjouirait profondément. Je peux aller jusque-là. Pour moi, c'est une bête immonde, donc on le supprime et c'est tout. [...] Je signe et je persiste.» Ces comportements abjects n'ont été condamnés que par quelques voix, à peine audibles, dans le tintamarre qui accompagne, depuis des semaines, la stigmatisation de l'islam et la désignation de la communauté musulmane à l'opprobre, malgré un discours institutionnel appelant à ne pas céder aux amalgames alors que les amalgames sont devenus, depuis belle lurette, un sport français, criard lors de chaque campagne électorale. C'est tout à l'honneur du Mrap (Mouvement contre le racisme et l'antisémitisme) que d'avoir porté plainte contre ce Tesson imbibé de haine raciale et qui se trompe de croisade. Musulmans, certes, les citoyens qu'il agresse de manière aussi vile sont aussi des citoyens à part entière et ils méritent, de ce fait, que la justice de leur pays, une fois n'est pas coutume, leur rende...justice. Mais il y a bien des distances entre le discours et les faits qui, hélas, sont têtus. Rien ne sert de se livrer à des incantations gratuites et à des promesses sans lendemain, sur la marginalisation des jeunes issus des communautés immigrées, écrasés par le chômage et la stigmatisation vicieuse jusque dans les institutions policières et judiciaires, car ce ne sont là que des larmes de crocodile à l'heure de la lourde digestion.