«Des gens au coeur rempli de préjugés et de haine» «Quand le calme sera rétabli, si le magazine Charlie Hebdo maintient sa position sur l'islam, il mettra le gouvernement français en situation difficile et deviendra un symbole du Choc des civilisations.» Décidément, l'Allemagne reste l'Allemagne. Au lendemain de la marche organisée à Paris et dans presque toutes les villes françaises contre le terrorisme, rassemblant 3,7 millions de personnes unanimes à réclamer le droit à la liberté et le refus des amalgames, on s'attendait à ce que les extrémistes tentent de profiter de la conjoncture pour récolter des dividendes et attirer dans leurs filets les adeptes d'une Europe au sang pur. Depuis octobre, le mouvement anti-islam Pegida («Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident») a mobilisé, chaque lundi, contre la religion musulmane et les demandeurs d'asile. Avec un succès croissant, il a attiré 500 personnes pour le premier défilé le 20 octobre, 10.000 début décembre, 18.000 lundi dernier, un record en attendant la marche d'hier soir au cours de laquelle 25.000 affidés ont porté les brassards noirs et le slogan «Je suis Charlie»... Consciente du risque, la chancelière allemande Angela Merkel est encore montée au créneau, à peine rentrée de Paris, annonçant qu'elle sera parmi les musulmans, avec le président Joachim Gauck et de nombreux ministres de son gouvernement pour participer à une commémoration silencieuse des organisations musulmanes allemandes, au coeur de Berlin, des victimes du terrorisme à Paris. C'est lors d'une conférence de presse commune avec son homologue turc, Ahmet Davutoglu, qu'elle a fait cette annonce. Elle avait souvent appelé ses compatriotes à ne pas participer aux manifestations anti-islam en Allemagne, estimant qu'elles étaient organisées par des gens au «coeur rempli de préjugés et de haine». Obama, la marche et l'amalgame «L'islam appartient à l'Allemagne», a martelé la chancelière, réitérant des propos tenus dans le passé et invitant à «éviter l'amalgame avec les terroristes». Pays de 81 millions d'habitants, l'Allemagne compte environ trois millions de personnes turques ou d'origine turque. Ils forment la majorité de la communauté musulmane allemande, forte d'environ 4 millions de personnes. La hantise est grandissante de voir le phénomène Pegida se muer en une résurgence du néonazisme qui a trouvé dans la stigmatisation des musulmans un créneau pour s'inscrire dans une stratégie de réhabilitation progressive de l'antisémitisme avec un ennemi pour l'instant latent et qui joue lui-même avec le feu. Cette attitude singulière intervient au moment où la Grande marche de Paris contre le terrorisme s'est vite transformée en une communion douteuse autour d'un seul et unique martyre. Car, comme à l'accoutumée, la douleur légitime de tout un peuple a vite été récupérée par les tenants du sionisme et les médias sous contrôle qui ont imposé à la face du monde leur vision des musulmans, manière éhontée d'occulter les crimes abjects de certains dirigeants israéliens contre le peuple palestinien, depuis des décennies. Cela est d'autant plus facile à dire que des éditorialistes et des leaders d'opinion ont néanmoins exprimé leur malaise, à l'étranger, dans des pays à majorité musulmane mais aussi aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, pays qui ont payé un lourd tribut au terrorisme. Ainsi, on a pu lire dans les colonnes du New Yorker, sous la plume de l'écrivain américain Teju Col, que «ce qui est en jeu n'est pas tant le droit de dessiner ce que l'on veut mais le fait que, à cause des meurtres, les dessins doivent être célébrés et reproduits». «Ce n'est pas parce qu'on condamne leur odieux assassinat qu'on doit embrasser leur idéologie», ajoutait-il, relevant par-là même que la satire doit, elle aussi, avoir des limites. A Londres, le Guardian le défendait pratiquement le même point de vue en estimant que «le soutien au droit inaliénable d'une publication de suivre ses propres jugements éditoriaux n'oblige pas à faire écho à ces jugements», en rejetant le reproche fait par les médias français à certains titres occidentaux de n'avoir pas relayé les caricatures du journal satirique français après la tragédie. Certains dessinateurs n'ont-ils pas raison de considérer que, s'il ne doit pas y avoir de limite à la satire, tous les sujets sont alors permis et pas seulement les attaques contre l'islam et son messager. Or, sur ce registre, l'attitude est plus qu'ambiguë, elle est carrément hypocrite dans tous les pays occidentaux, sauf aux USA où il est de bon ton d'encenser la liberté d'expression tout en exerçant une stricte censure contre tout ce qui porte préjudice aux cultes. C'est sans doute pour tout cela que les médias chinois n'ont pas hésité à critiquer vertement la chose. «Les manifestations historiques à Paris et en province contre le terrorisme ne sont guère que des calmants antidouleur qui n'arrêteront pas la montée du Choc des civilisations, a estimé mardi un quotidien officiel chinois. Dans un éditorial, le Global Times, un des journaux du Parti communiste chinois (PCC), a jugé que les marches dimanche dernier de millions de manifestants descendus dans la rue avec une cinquantaine de dirigeants étrangers «ne devraient guère produire de résultats significatifs». Une chape de plomb sur les banlieues «Malgré son échelle impressionnante, la marche de Paris dimanche faisait songer à la mise sous antalgiques d'un malade gravement atteint», écrivait le journal. «Ce que les sociétés occidentales développées traversent, c'est le prix de leurs actes historiques d'esclavage et de colonialisme qui ont conduit à leur démographie actuelle», estime le journal. «Quand le calme sera rétabli, si le magazine Charlie Hebdo maintient sa position sur l'islam, il mettra le gouvernement français en position difficile et deviendra un symbole du Choc des civilisations». Plus que jamais, les pays européens doivent comprendre nolens volens que trop de jeunes des communautés, réduites au silence, au chômage sélectif, à la marginalisation et, désormais, à la stigmatisation, aussi bien par les tenants du «Choc des civilisations» que par les politicards qui désignent les musulmans, en France et en Europe, à la vindicte et au rejet, englué de racisme et d'islamophobie, souffrent en silence d'un climat de haine grandissant. Ces jours derniers, une véritable chape de plomb est tombée sur les banlieues où cette jeunesse est soumise à des pressions policières et judiciaires, certaines peut-être fondées mais la plupart dites préventives», avec la marge de dérapages et d'injustices que l'on peut deviner. Depuis une semaine, en effet, la communauté musulmane doit se battre sur plusieurs fronts. Pris en étau entre les tenants du FN et de Pegida mais aussi des terroristes qui oeuvrent à sa diabolisation en commettant des actes de violence, d'une part et, d'autre part, les institutions et l'opinion publique qui les tiennent pour responsables des attentats perpétrés par des desperados, les musulmans de France subissent à leur tour un autre terrorisme. Ce n'est sûrement pas là la meilleure méthode pour gérer la conjoncture en évitant les amalgames. Si François Hollande est sincère quand il s'évertue à avertir des dangers de ces comportements, ce n'est pas le cas, hélas, de nombreux dirigeants qui marchent volontiers dans une direction douteuse rappelant les tristes moments de la ségrégation hypocrite et de la politique du karcher... L'autorité musulmane égyptienne dénonce la nouvelle caricature du prophète L'instance représentant l'islam auprès des autorités égyptiennes, Dar al-Ifta, a «mis en garde» mardi contre la publication d'un nouveau dessin représentant le prophète Mahomet dans le journal satirique français Charlie Hebdo. «Cette action est une provocation injustifiée pour les sentiments d'1.5 milliard de musulmans à travers le monde», a indiqué Dar al-Ifta dans un communiqué..