L'ombre du rebelle plane toujours Doté d'un caractère de révolté, Matoub ne peut alors supporter ce climat qui lui interdit d'être amazigh dans son propre pays. Bien qu'absent physiquement depuis plus de 16 ans, Matoub Lounès reste toujours présent partout en Kabylie, à travers sa voix et son oeuvre artistique qui demeure indétrônable. C'est d'ailleurs sans surprise que les communiqués pleuvent depuis quelques jours au sein des bureaux de presse locaux faisant état de l'organisation de plusieurs activités commémoratives du 59e anniversaire de la naissance du Rebelle et poète anticonformiste. En plus de toutes les activités d'animation programmées pour la journée de samedi prochain, la Fondation Matoub-Lounès a annoncé hier la tenue de deux recueillements à la mémoire du chanteur assassiné. L'un est prévu samedi sur les lieux de l'attentat ayant coûté la vie à Matoub à Tala Bounane, sur la route reliant Ath Douala à Tizi Ouzou. Le second recueillement est annoncé par les responsables de la Fondation éponyme au village natal du poète à Taourirt Moussa dans la commune d'Aït Mahmoud. A midi, samedi également, une grande «waâda» (repas traditionnel) sera offerte à l'ensemble des visiteurs qui feront le déplacement au village Taourirt Moussa afin de prendre part à la commémoration. Né le 24 juin 1956 à Taourirt Moussa près d'Ath Douala, Matoub Lounès a vite aimé chanter après s'être abreuvé de nombreux artistes, notamment ceux du genre chaâbi comme Dahmane El Harrachi et Cheikh El Hasnaoui ainsi que Slimane Azem. Adolescent, Matoub s'est également rapproché des chanteurs de son village, moins connus, comme Moh Smail et Tilwa. Il a eu la chance d'avoir été doté par Dieu d'une voix rauque unique qui allait lui permettre d'entrer de plain-pied dans l'arène de la chanson engagée et revendicative pour en devenir le leader. C'est lorsqu'il est scolarisé à Bordj Menaïel qu'il prit conscience de l'exclusion et de l'ostracisme qui frappait de plein fouet sa langue maternelle, le tamazight. Doté d'un caractère de révolté, Matoub ne peut alors supporter ce climat qui lui interdit d'être amazigh dans son propre pays. C'était au milieu des années 1970. Alors, il commence presque simultanément l'écriture et la composition de ses propres chansons et il entame son parcours de militant tragiquement interrompu avec le lâche assassinat dont il fût victime le 25 juin 1998 à Tala Bounane. Ceci après avoir échappé à des blessures par balles en 1988 puis à un enlèvement de 15 jours en 1994. Considéré par tous comme étant le plus doué et le plus aimé des chanteurs berbères de tous les temps, Matoub Lounès a produit plus de 200 chansons (tous des chefs-d'oeuvre) en vingt ans de carrière seulement. Accusé par certains de ses détracteurs d'avoir été un raciste, Matoub répond intelligemment en reprenant des dizaines de chansons chaâbi montrant ainsi qu'il possèdait un regard universel sur l'art et qu'il écoutait passionnément les chansons des maîtres du chaâbies, interprétées en langue arabe. Jalousé par certains chanteurs et même par certains hommes politiques de son propre camp, Matoub Lounès a su surmonter toutes les épreuves grace à son courage et à sa détermination, mais aussi grace à son talent unique, et à sa sincérité. Matoub Lounès est actuellement considéré comme le symbole de l'amazighité aussi bien en Kabylie, que chez les Amazighs des autres régions d'Algérie ainsi qu'en Libye et au Maroc mais aussi dans la diaspora.